Le moins que l’on puisse dire pour l’année 2024, c’est qu’elle aura été prolifique pour la pop luxuriante hexagonale. En effet, quelques semaines après The Afternoon Of Our Lives, superbe second album d’Olivier Rocabois, voici que paraît, ces jours-ci, le second album non moins superbe de Pacôme Genty, Hestia.
Petite présentation pour ceux qui, comme moi, ne connaîtraient pas Pacôme Genty. Le sieur sort certes son second disque mais n’en n’est pas à son coup d’essai. Il faut remonter à l’an de grâce 2007 pour retrouver une trace de Pacôme Genty, fondateur alors du groupe Rrose Tacet. Le duo se fait remarquer dans un premier temps en 2007 avec I Heard You Looking (chronique dans les inrocks), puis en 2008 avec un très bon Ep, s’étoffe, devient quatuor et publie, quatre ans plus tard The Lonely Ones, excellent album d’indie pop, qui leur permet de tourner avec quelques pointures du genre (Tunng, Owen Pallette, Julie Doiron). Ensuite, le quatuor splitte et Genty revient avec une autre formation sous le patronyme d’Erevan Tusk qui publie deux albums (en 2012 et 2019) et commence à dessiner ce qui caractérisera la musique de Pacôme Genty, une pop savante très psychédélique (Animal Collective, Beach Boys dans le rétro). En 2021, il abandonne à nouveau l’idée de groupe pour revenir cette fois-ci en solo et sortir son premier album chez Microculture. En regard de celui qui nous intéresse aujourd’hui, Debut Album est certes un très bon disque mais étonnamment sage. Il faut attendre les deux derniers morceaux (Uniformes, So Much So Little) pour qu’un peu de folie s’invite et nous laisse entrevoir ce que sera Hestia.
À savoir une sorte de rêve éveillé sous LSD. Un disque qui réinvente les 70‘s à coup de tropicalia, de bossa nova, de psychédélisme, d’arrangements baroques, où s’invitent Jobim, Syd Barrett et même Murat (la ligne mélodique de Griselda rappelle Le Mendiant A Rio de l’irascible auvergnat). Où les fantômes sont à la fois omniprésents et bienveillants, créant, de ce fait, une atmosphère assez unique : un doux onirisme très enveloppant, chaleureux et rassurant, duquel il est difficile d’extraire une chanson marquante. On pourrait citer Griselda, Talk Walk, Minha Querida, Lonely As A Cloud, chansons alternant tropicalia et folk psyché sous acides mais non. Hestia forme un tout, réfléchi.
Si j’osais, j’évoquerais à son sujet un concept-album mais un concept-album où l’inconscient aurait pris le pas sur l’intellect, où Pacôme Genty serait entré en transe pour créer un doux cocon, une bulle musicale flottant dans des limbes kaléidoscopiques et multicolores. Un projet un peu fou, parfois mal dégrossi (Saint-Elmo ou cette impression d’erreur de mixage et que les enceintes déconnent), à la limite du lo-fi (le sublime instrumental Modesty) mais toujours surprenant.
Et ce à plusieurs niveaux : dans le sens où Hestia se bonifie à chaque écoute, où l’album fourmille tellement de détails qu’il faut de nombreuses écoutes pour totalement l’appréhender. Surprenant également de par son ambition, à la fois modeste dans sa construction, souvent fragile, et d’un aplomb incroyable (moi, je suis le Mercury Rev de Deserter Song et Syd Barrett du premier Floyd à moi tout seul). Un disque d’une très belle ambivalence, modeste et ambitieux, onirique, chaleureux. Bref, le genre d’album à garder pour les premiers frimas, histoire d’apporter un peu de douceur dans tous les foyers de France et de Navarre.
Pacôme Genty · Hestia
Prohibited Records – 30 août