L’artiste espagnol est célébré, jusqu’au 29 janvier 2016, dans une vaste exposition qui montre, en parallèle de ses œuvres, celles de ses plus grands « fans ».
Dans l’installation vidéo de l’artiste néerlandaise Rineke Dijkstra, I See a Woman Cryin (Weepin Woman), des élèves réagissent à la Femme qui pleure, le portrait de Dora Maar peint par Picasso en 1937. On ne verra pas la toile, à aucun moment. Hors champ, elle existe pour nous, spectateurs-voyeurs, au travers des mots des adolescents, de leurs expressions. L’exposition PICASSO.MANIA, au Grand Palais jusqu’au 29 février 2016, s’appuie en quelque sorte sur ce même procédé pour dresser un portrait du maître : on y voit certes des œuvres de Picasso selon des accrochages inspirés de ceux de l’artiste, mais le propos est avant tout dans le regard de tiers – en l’occurrence d’artistes des XXe et XXIe siècle – et dans la transcription de ces regards en œuvres – peintures, sculptures, vidéos, photographie .
Picasso source d’inspiration ? Rien de nouveau à cela. Mais avec un thème aussi fédérateur, l’exposition du Grand Palais, orchestrée par Didier Ottinger, directeur adjoint du Centre Pompidou, tisse un vaste patchwork que l’on regarde tantôt en close-up et tantôt avec recul.
Collage-puzzle
Observons cette couture, celle du cubisme revisité (et analysé lors de conférences et publications) par David Hockney au début des années 80. Elle prend la double forme de l’hommage explicite (Artist and Model, 1973-1974 ; The Student, 1987) et de l’influence magnifiée notamment dans le collage-puzzle d’inspiration cubiste Place Furstenberg, Paris 7, 8, 9 août 1985.
Plus loin, c’est le pop art qui échancrent ses couleurs avec notamment quelques-unes des Heads after Picasso (1985), de Warhol, ou le vertigineux Richard Pettibone, ou Roy Lichtenstein, Woman with Flowered Hat (1985), qui brode un portrait à la manière de ceux de Marie-Thérèse Walter (modèle et égérie de Picasso), dans un cubisme synthétique propice aux primaires bleu, rouge, jaune de Lichtenstein.
Guernica n’est pas là mais Adel Abdessemmed crante la peur, l’horreur et la mort avec son également monumental Who’s Afraid of the Big Bad Wolf (2011-2012).
Pacifiste
Un pas en arrière de ce patchwork, que voyons-nous ? Une réalisation esthétiquement à la hauteur de ses ambitions – que ce soit la richesse des œuvres hommages ou les Picasso originaux (la Femme aux mains jointes – étude pour les demoiselles d’Avignon, émouvante de simplicité, parle finalement plus fort que les deux «Demoiselles» des appropriationnistes Mike Bidlo et André Raffray). En transparence se dessine la silhouette, artistique et personnelle, de l’artiste célébré : un Picasso immense, qui marqua le siècle de ses bleus et ses ocres, de ses angles et ses collages, de son engagement pacifiste et politique, et de sa maîtrise moderne de sa propre image ; un homme génial, milliardaire élégant même en slip kangourou (mis en image par l’Allemand Martin Kippenberger) ; une mythologie en soi, somme d’œuvres, d’émotions – de mystères, aussi.
PICASSO.MANIA jusqu’au 29 février 2016 au Grand Palais, 75008.
Lundi, jeudi et dimanche de 10h à 20h. Nocturne le mercredi, vendredi et samedi de 10h à 22h.
Fermé le mardi sauf pendant les vacances scolaires.
14 €, TR: 10 €.
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