Jeudi 2 novembre : 1er soir
Arrivée 19h, le temps de retrouver des amis et de prendre une bière, je déclare le festival lancé. Je manque This is The Kit et Moses Sumney dont on m’avait dit du bien et c’est Chassol qui sera le premier concert que je verrai du festival. Fusion, électro, jazz, une énergie scénique contagieuse, il était accompagné par un batteur et la bonne idée du set, jouer live sur des captations vidéos de gens lambda qui chantent ou slament dans les rues, chez eux, mettant en lumière les performances d’un soir, c’est généreux, expérimental, humain. Belle découverte.
Rone, un de ceux que je voulais voir et que j’avais déjà vu une fois il y a quelques mois, enchaîne sur la scène alternative de l’autre côté de la salle. Changement total d’ambiance, une électro plutôt dansante, qui a du mal à trouver sa place, ou alors c’est moi, il faut dire qu’il n’est que 20h… Le set devient malgré tout de plus en plus entraînant pour finir par être diablement efficace. Peut-être n’était-ce pas du tout la meilleure heure pour programmer cet artiste, le son aurait pu être celui d’un 2h du matin. Belle performance qui a presque réussi à faire taire les brailleurs anglais nombreux ce soir dans la salle et à qui l’alcool ne réussit pas.
Ride arrive sur scène – un groupe mythique qui n’avait rien enregistré ensemble depuis près de vingt ans, et qui a sorti un album en juin dernier, Weather Diaries (lire leur interview ici), c’est dire s’ils étaient attendus ! Pour ma part je n’étais jamais allé à un de leurs concerts à leur grande époque, comme les Pixies vus cet été en festival… 2017 ou l’année revival des 90’s. Un mur de guitares, l’électro cède donc la place au shoegaze, du rock bien planant, avec leurs titres phares comme Leave Them All Behind ou Polar Bear. Un très très bon moment nostalgie et un son qui n’a pas pris une ride. Comme nous tous.
La vraie découverte de ce premier soir, c’est Kevin Morby ! Je ne connaissais que très peu pour avoir été jeter une oreille lors de l’annonce de la programmation du festival, et en regardant certains clips, difficile de se faire une idée du genre musical, il a un côté insaisissable, et le découvrir en live est peut-être la meilleure chose à faire avec lui. Un grand dommage que le public ne se taise pas pendant les concerts, car le monsieur est impressionnant sur scène, il m’a fait penser tour à tour à Bob Dylan par la voix, Pink Floyd pour l’atmosphère, et à Radiohead pour l’inventivité rythmique de ses compositions. Ce n’est pas une copie pour autant de ces références, c’est comme s’il avait pris le meilleur de chacun. Un set fabuleux, totalement jubilatoire.
Fin de la soirée sur The National que je déserte au premier tiers du set (je travaillais le lendemain à 6h du matin…). Pas trop de regret, un ami qui était avec moi et qui les avait vus à Barcelone me disait que le groupe n’était pas au top ce soir et que le chanteur semblait avoir un peu trop bu. Décidément ça boit beaucoup au Pitchfork.
Vendredi 3 novembre : 2ème soir
Journée de tournage pour votre humble serviteur qui s’est finie trop tard pour que je puisse voir Cigarette After Sex. Découvert cet été avec leur premier album éponyme je rêvais de les voir sur scène. Loupé.
C’est le duo Sylvan Esso venu de Caroline du Nord que je découvre donc. Une pop électro moins douce qu’il n’y paraît, dansante et séduisante, plutôt sympathique pour commencer la soirée.
La première vraie belle surprise du jour c’est Andy Shauf que je connaissais de réputation, qui avec aplomb et émotion nous délivre ses mélodies mélancoliques. Pas facile pour la musique de se frayer un chemin parmi cette foule bruyante. Heureusement je suis devant et j’ai pu apprécier. Parfois c’est à se demander si le public est là pour écouter de la musique tellement il braille. Et pourtant ce jeune canadien chevelu nous a délivré un beau set intimiste et très touchant.
Je file vite découvrir Isaac Delusion sur l’autre scène. Et là je dois dire, très très belle surprise. D’une efficacité redoutable. Je ne connaissais pas ce groupe qui officie pourtant depuis une poignée d’années. La voix du chanteur me fait directement penser à Jimmy Somerville, et posé sur des rythmes électro mélangeant les genres, entre dream pop survitaminée et des oraisons plus rock le groupe visiblement a son public qui semble connaître plus que moi, très bonne ambiance dans la salle.
Mon dernier live de la soirée sera Reggie Snow, rappeur au flow efficace né à Dublin, installé un temps aux Etats-Unis, plutôt bien dans son genre mais la fatigue aura raison de mes jambes.
Samedi 3 novembre : 3ème soir
Quand j’arrive Princess Nokia est déjà sur scène, l’énergie est palpable, le flow de la jeune afro-portoricaine est impressionnant, je pense à Eminem tant le phrasé est proche, les textes sont forts et engagés contre la dictature du patriarcat et les injustices sociales, avec notamment beaucoup de fuck sur un morceau ce qui me fera sourire. Le seul petit bémol est un enchaînement hasardeux qui lasse notamment par les coupures net des morceaux en mode juke box.
Run The Jewels alias El-P et Killer Mike, forts de leur réputation arrivent en conquérants devant le public qu’ils parviennent à captiver d’entrée. Un rap militant pour réveiller les consciences et puisant dans l’électro pour donner à ceux qui les voient sur scène l’envie de se défouler. Assez vite lassant pour mon goût personnel mais les festivaliers ont eu l’air d’aimer.
Enfin ceux que j’attendais, mes petits chouchous découverts il y a deux ans avec leur single Virile, et un premier EP cette année, Territory, The Blaze, qui a déjà son public qui vient en connaisseur. Leur set sera identique à celui vu cet été devant le parvis d’Hôtel de Ville : un cube blanc sur scène éclaboussé par des vidéos s’ouvre au bout de quelques minutes sur une musique crescendo. Les deux compères sont positionnés chacun d’un côté des tables de mixage, le light show est élégant et se combine parfaitement aux projections visuelles sur les écrans, la scénographie est digne de Pfadfinderei qui s’occupe de Moderat. Difficile d’amener de la singularité dans l’électro tellement les artistes de toutes part émergent à foison. The Blaze réussit à merveille leur immersion en alliant la danse à une électro mélancolique notamment avec la voix grave audacieuse et facilement identifiable qui vient se poser sur le rythme planant. Un set magistral mais de 40 mn, trop court pour un public qui aurait aimé continuer un peu la soirée avec eux.
Pour une fois la programmation s’enchaîne bien, les festivaliers sont partis pour la nuit, Bicep donne le tempo, c’est samedi soir, il est temps de se lâcher. Les deux amis d’Irlande du Nord, Andy Ferguson et Matt McBriar, avaient débuté sur un blog – toujours actif! – consacré à la house (« Feel My Bicep »), allant jusqu’à poster une centaine de morceaux par semaine, chinés chez les disquaires locaux. 100 000 visiteurs mensuels plus tard, les deux amis devenus duo de DJ, revivifie la house de l’âge d’or des années 90. Bonne ambiance, la soirée ne faisait que commencer, je ne sais pas ce qu’à donné The Black Madonna mais j’imagine que la grande halle de la Villette s’est transformé en temple house pour la nuit.
Petit bémol sur la politique des prix du festival, activation d’un bracelet payant pour pouvoir consommer alors que la soirée est déjà à 50 euros, c’est très moyen, et aussi sur le prix exorbitant de la nourriture, on a la désagréable sensation de se faire taxer. C’est dommage car c’est ce qui revient au fil des années dans le bouche à oreille et la motivation du public pour s’y rendre.
Une édition 2017 pour le Pitchfork Festival plutôt réussie en terme de programmation, même s’il manquait peut-être un ou deux grands noms en tête d’affiche mais le pari de découvrir de nouveaux artistes est rempli, avec une mention spéciale à Kevin Morby, Rone, Ride, Andy Shauf, Isaac Delusion, The Blaze, Bicep.
Pitchfork Festival – Grande Halle de la Villette
Du 2 au 4 novembre 2017
Les anglais relous, oui… Certains se sont fait virer du set de The National à force de beugler et d’emmerder les filles.