[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]P[/mks_dropcap]remiers délits. Timothée Régnier, le visage d’un poupon qui aurait grandi trop vite. Un dandy bercé par l’œuvre de David Bowie, homme-orchestre d’un songwriting ciselé au millimètre.
« Sign me sign me under your heart, I promise you’ll never be apart«
Aqualast annonçait la couleur. Nous étions dans les projections baroques d’un artiste dont la voix de fausset contrastait avec une force naturelle capable de nous terrasser d’un uppercut. Les plus délurés d’entre nous le fantasmaient tel un fauve repu par un soir de clair de lune. Une variété dans chacun des titres avec pour fil conducteur une architecture seyante et moderne venant magnifier un chant capable de hautes voltiges.
Rover, toujours sur le fil du rasoir entre douceur étrange et gravité maitrisé. Nous imaginions alors la scène. Une plage, un feu de bois et le folklore habituel qui l’accompagne. Un premier album plein de charmes qui évitait de se fracasser sur les bords de l’appropriation désuète et ceci, malgré les risques du genre.
Rover se métamorphose tel un héros plein de bravoure grâce à quelques saturations teintées de noirceurs jouissives. La face cachée du premier album ne pouvant nous rassasier, la maison de disque décidait de nous gaver de versions bonus et d’extra balles à outrance (tout de même trois versions successives de l’éponyme objet)
L’accueil réservé par le public étant à la hauteur des espérances, venait alors le temps de la prestation du vivant. Le colosse à la voix d’ange y dévoila l’étendue de son talent, charmant mes oreilles à deux occasions dans un parfum nouveau, grâce notamment à une orchestration plus incisive. Les harmonies de Lou magnifiées par l’énergie du live, Tonight dans une mouture des plus orgasmiques, passant du sombre Full Of Grace à l’indispensable Queen Of The Fool.
Sur le casier judiciaire du lascar, les autorités pouvait apposer le tampon du crime parfait.
[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]A[/mks_dropcap]utomne 2015, Rover réapparait version « bad boy » devant un fond rouge magnétique. Blouson de cuir et lunettes de soleil pour un tirage laissant supposer des compositions plus rageuses. En fait, ceci n’est qu’un leurre. Let it Glow, le nouveau-né n’enfourche pas la bécane à toute berzingue dans l’optique de dévaliser la banque. J’aurais même envie de dire que la pochette idoine serait celle du premier opus. Au titre de cette permutation, on devine chez l’artiste le souci de ne pas tomber dans la facilité et d’abuser quelques suiveurs qui désireraient trop aisément le confiner dans les réussites évoquées précédemment.
L’album a été enregistré et mixé aux studios Kerwax. Précision chauviniste de ma part étant considéré la proximité géographique du lieu avec mes premières résidences infantiles. Nous sommes sur les terres trégorroises de Loguivy-Plougras pour ce défi atypique imaginé par Christophe et Marie Chavanon. Dans ce musée vivant, l’artiste se retrouve immergé au milieu de machines d’une autre époque. L’analogique confère alors une délivrance naturelle au son, l’optimisation acoustique n’en est que meilleure. C’est en ce sens que Rover nous offre une version vintage de Let it Glow. La musique gravée dans le marbre avec tout le grain qui lui sied à merveille.
La machine à remonter le temps nous conduit dans le meilleur des années 70. Dès les premiers frémissements, c’est une réverbération démente qui s’empare de l’espace. Le folk aérien de Some Needs glisse sur un refrain coloré des plus délicieux. Clin d’œil aux illustres charmeurs psychédéliques de l’époque, Odyssey nous propulse dans un space opera aristocratique comme si le Major Tom avait retrouvé son scaphandre pour une nouvelle aventure périlleuse dans les étoiles. Avec Call My Name, l’auditeur succombe aux effets de velours d’un titre à l’image d’une B.O de James Bond sans les sempiternelles explosions criardes.
Effet notable de la nouvelle délivrance, le piano devient le fil conducteur de l’œuvre. Il est la trame des nouvelles compositions et confère à l’ensemble des velléités moins directes. Nous sommes en compagnie d’une matrice plus resserrée et indéniablement marquée par plus de cohérence.
Sur les accords de Trugar, l’impression de voguer avec un digne standard concocté jadis sur les rives de Liverpool. Le spectateur peut alors se laisser griser au travers des progressions policées du titre qui donne son nom à l’album: Let It Glow monte en puissance et éclabousse la sphère de ses lueurs stratifiées. Après quelques effusions syncopées, c’est une basse qui claque annonçant un final en apothéose.
Let It Glow ne doit pas s’appréhender comme un pastiche d’antan. Il n’est pas non plus une simple enveloppe dans lequel le prévenu Régnier se serait contenté de déverser un savoir-faire un peu trop facile. Il a beau être quasiment seul à la composition, l’écriture et l’exécution de cette matière neuve, il ne doit pour autant être assimilé à un singe savant claquant sur des cymbales histoire d’épater la galerie. Le fait de presque tout contrôler n’est pas un signe de dédain vis-à-vis de ces pairs. Il y a juste cette honnêteté qui transpire l’intention de mettre sur la table toute sa personnalité, remplissant les cases vides avec ses forces éloquentes sans corriger les petites aspérités qui rendent le résultat plus humain. La volonté de ne pas aseptiser le mixage par trop de javellisation est en ce sens fortement notable mais ne doit pas occulter de surcroit, l’élégance des arrangements, la prestance des mots, la solidité du fond. Rover n’innove pas mais sublime le son de ses idoles. La musique ayant depuis belle lurette fait le tour de la spirale, quelle autre solution que d’en traduire avec hommage les contours.
Si la tonalité générale de la production est légère, deux titres viennent néanmoins soulever les écouteurs de leur climatique atmosphère. Along défile tout d’abord avec sa horde de soubresauts inquiétants. Une impression de course qui s’accélère tout en empruntant des chemins de traverses, plus sombres et plus épais. Le tempo ne décolle pas vraiment mais c’est une noirceur nette qui tout en assombrissant le paysage redonne du dynamisme aux instruments. In The End sera alors d’attaque pour enfoncer le clou. Une introduction aux influences celtiques qui virage après virage s’engouffre sur des accords plaqués plus agressifs, une électricité retrouvée pour un voyage saturé, là où les ancêtres marins s’inspiraient des étranges épices orientaux. C’est terriblement rock mais totalement classe !
Bis repetita … Je savoure encore et encore cette perpétuité incompressible.
L’album est disponible dans toutes les bonnes échoppes depuis le 6 Novembre 2015
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