J’ai rencontré Yann Canevet il y a quelques années alors que celui-ci tenait sa place au sein du groupe Venera 4, formation croisée à l’occasion d’un concert laissant entrevoir d’intéressantes promesses. Un échange laconique aura lieu dans la foulée avec le garçon pour les besoins d’une interview destinée à promouvoir un LP… malheureusement sans suite pour le quatuor. L’intéressé aura également alimenté le projet Maria False (de manière parallèle et similaire, un album unique sortira en 2015). C’est finalement en solo que je retrouvais sept ans plus tard ce dernier, planqué sous le blase à double sens (grec et breton) de Sarakiniko.
En 2022, je m’étais penché en ces termes (pour le compte de l’hebdomadaire culturel Le Cri de l’Ormeau) sur le cas de Red Forest :
« (…) La trame opère au service d’un rock agencé au gré de frémissements abrasifs, bien que finement catalysé par ses airs pop et vaporeux. Au soutien d’un chant dogmatiquement lointain, les nœuds des riffs se démêlent pour mieux resserrer l’étreinte. Les distorsions lorgnent sur les trames de My Bloody Valentine et consorts, accrochant irrésistiblement l’auditeur averti. Pas forcément accessible d’emblée pour une oreille novice, on ressort de ce Red Forest intrigués par une élégance diffuse (…) »
C’est donc avec un deuxième exemplaire intitulé Dehors que le musicien revient ajouter à sa panoplie ses couches flirtant invariablement avec le shoegaze, style qui semble ici dilué au cœur d’un tambour de machine à laver en mode essorage express. Le chant est toujours quasiment aphone (normal), les effets de plus en plus malaxés (tant mieux) pour une stylisation passée à la moulinette d’expérimentations et de fuzz grésillants avec emphase mais qui n’oublie jamais de porter de fines mélodies au centre de l’ouvrage.
Cette fois-ci, petite novation côté des paroles puisque le garçon jongle entre l’évidence anglaise tout en s’essayant à l’exercice pourtant casse-gueule de l’expression française. Étrangement, il en ressort un balancement entre crédibilité nouvelle et une dimension poétique noyée sous un enchevêtrement de résonances.
Le tout opère dans un récital où l’on pourra s’amuser au jeu des références tout en décelant à travers les dix titres une appropriation personnelle s’affranchissant quelque peu des codes habituels. Sarakiniko parle lui-même de « mud-pop » et par ce biais, il développe ici l’idée d’un monde scindé sous un déluge poisseux. Dehors s’entend alors comme un nécessaire retour aux émois de l’enfance marqués de ressentis sans filtre. De manière métaphorique, la musique de Sarakiniko revêt des contours francs même si la texture de l’ensemble peut sembler complexe. Bref, pour toutes ces raisons et sans doute bien plus, ce disque est forcément recommandable.