Universal Mother commence par la voix de Germaine Greer, féministe des années 70, énonçant que l’opposé du patriarcat n’est pas le matriarcat, mais la fraternité. Et que seules les femmes pourraient briser la spirale du pouvoir en mettant en place d’autres formes d’interaction sociale.
Universal Mother, la mère universelle, la mère nourricière. L’amour maternel.
Puis le son d’une trompette annonçant la tempête. Le feu à Babylone. Et direct, Sinéad chante les abus de son enfance. Exprime sa colère et annonce le changement d’attitude. Elle ne se laissera plus faire.
La suite de l’album alternera chansons d’amour et de rédemption, confessions et révélations. Elle chante le mal-être de ne pas être comme les autres, la souffrance du rejet, la douleur. Et aussi la colère face à l’injustice. Et aussi l’intention de ne plus être une victime. La rage.
Le tout sur des instrumentations classiques. Piano voix, guitare basse batterie, a capella. Douceur et fureur. Mais aussi des grosses basses et des synthés… rap, trip hop ? Ça sample du Miles Davis, ça cite les Beatles (bizarre de découvrir Eleanor Rigby via une resucée, et pourtant, ce « All the lonely people, where do they all come from ? » est tellement en phase avec ce qu’exprime Famine), ça reprend du Nirvana en acoustique avant l’heure.
« On dirait bien que ça part dans tous les sens, ça a bien l’air d’être n’importe quoi ». Et pourtant non. La voix unique de la chanteuse tient le tout. Comme dans tout ce qu’elle a pu faire, elle maîtrise l’expression de toutes sortes d’émotions. Douceur, fureur. Une pureté rare. La maîtrise des harmonies.
Cet album transpire la sincérité. La chanteuse semble dire « je dépose ici tout mon vécu, tout ce qui m’a fait du mal, toute la douleur qu’on m’a infligée. Toute la colère que je ressens. Et je vous envoie mon amour, celui par lequel je protège ceux qui souffrent du regard des autres. C’est par l’amour des autres que nous changerons les choses. Je vous protège tous, comme une mère. La mère universelle. »
Les frissons. Oui, vingt ans après, toujours les frissons…