[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#dd9933″]S[/mks_dropcap]pinoza in China est le dernier livre de Marc Perrin. Un livre protéiforme, qui marque un tournant dans le travail du poète Nantais. Poète, il l’est, publiant dans des livres et des revues dont celle qu’il dirige, Ce qui secret. Il fait aussi des présentations de poètes à la Maison de la poésie de Nantes.
On a pu assister, lors des dernières années, à toutes les étapes de la création du livre sur un blog et à travers des lectures, dans divers lieux culturels Nantais, dont la librairie La Vie Devant Soi, à l’occasion de sa sortie en novembre dernier. Il faut entendre Marc Perrin partageant son texte dans un monologue libre qu’il déroule comme on raconte une histoire à ses enfants, ses amis ou toute autre personne, intégrant des moments de déclamation se rapprochant de la poésie orale.
Ce livre est une nouvelle étape du travail de Marc Perrin. Le tournant qu’il effectue se vérifie déjà par la taille de l’ouvrage, plus de 500 pages naviguant entre poésie et narration, multipliant les blocs de textes avec des typographies différentes suggérant qu’il s’agit de textes parallèles. On suit ici Ernesto qui part en Chine, en ayant reçu en cadeau, par son cousin Ki, L’Éthique de Baruch Spinoza, traduit par Robert Misrahi (dernière traduction en date). Le personnage d’Ernesto est un double de Marc Perrin, ou plutôt une version fictive n’existant que par les mots et l’existence même du poète. En effet celui-ci a bien voyagé en Chine mais la poésie se révèle dans les interstices, entre le réel et ses distorsions.
Spinoza in China ne raconte pas seulement l’histoire d’une lecture et d’un voyage mais prend la forme d’un journal, tenant note des événements qui se sont déroulés de 2011 et 2015, comme un indicateur de ce que devient le monde qu’il traverse. Car Ernesto est un homme rempli de réflexions sur le déroulement du temps. Son âge fluctue au gré des pages et peut se mesurer en siècles. Le temps peut être ainsi distordu au point de retrouver l’empereur Qianlong du 18éme siècle parlant à Ernesto de ses années de professorat dans les années 50. Le texte est gorgé de références à l’histoire ainsi qu’aux arts et permet de comprendre ce qui construit une pensée, une société, un monde. Cela lui confère une valeur de témoignage sur une époque. Le poète dans son travail sur la langue traduit une philosophie et transmet un regard historique.
Au final Spinoza in China n’est pas qu’un seul livre, mais plusieurs formes témoignant du monde. On y croise à la fois l’intimité de ce double fictif qu’est Ernesto avec ses peurs, ses joies et sa vie sentimentale et une perception de ce qui advient. C’est un outil pour appréhender le monde dans lequel on vit, dans lequel l’auteur lui-même vit. Il donne à l’art, à l’écriture, un but, celui de nous accompagner, à regarder le monde et la réflexion que l’on porte sur celui-ci. Le nouveau livre de Marc Perrin en devient autant utile au poète qu’au lecteur.
Spinoza in China de Marc Perrin aux Éditions Dernier Télégramme (2015)