Si j’étais un fervent pratiquant de la procrastination et du j’en-foutisme à tout crin, à propos de Maritima, je reprendrais le dossier de presse fourni gentiment par Ici d’ailleurs et je dirais à peu près ceci :
Maritima est le quatrième album solo à sortir sur le label français, il fait suite à un excellent Rocéphine et se compose de pièces instrumentales quasi vaudoues, d’un onirisme concret et d’éléments autobiographiques. Comme son titre le laisse à penser, Maritima a pour thème la mer (la plupart des morceaux ayant été composés entre Honfleur, La Rochelle, Lisbonne et Budapest) et il est fait d’une série de notes bien agencées et d’harmonies agréables. Bref, il est top et faut l’acheter.
Fin de la chronique ?
Bien évidemment, non. Mais ne vous méprenez pas : je ne vais pas dire l’inverse de ce que je viens de relater plus haut. Non. Maritima est vraiment formidable pour des raisons bien plus complexes que le fait d’aligner plusieurs notes harmonieusement.
Peut-être parce qu’il ravive en moi certaines émotions mises de côté depuis quelques temps, ou bien parce qu’il évoque de façon brillante et naturelle certains courants dont je m’étais détourné faute d’y trouver un intérêt quelconque.
Qu’entend thon dans Maritima ? Souvent du post-rock. Pas celui pratiqué par Mogwaï ou Godspeed non celui, plus confidentiel, plus imprévisible et donc passionnant, de Talk Talk ou Bark Psychosis (dans cette façon d’arranger, de mettre en avant la batterie notamment). De la pop également : celle, classieuse, des Tindersticks , à la fois complexe avec des arrangements subtiles, confinant parfois au sublime, et d’une simplicité désarmante. Dans le dénuement de certains morceaux, cet aspect boisé, proche de nous, on y perçoit aussi l’influence du très grand de Mark Hollis (panthère des algues, le chaloupé et sensuel colors, souvenir hanté) ou encore dans certaines ambiances, les excellents Hood de the cycle of days & seasons. Impressive isn’t it ?
Mais, bien sur, si Maritima n’était qu’un who’swho de la musique indé, aussi classieux et savant soit-il, on s’y ferait indubitablement chier.
Heureusement pour nous, c’est avant tout un album de Thomas Belhom, d’une beauté confondante. Un entre deux, s’adressant à la fois aux viscères et à l’encéphale. Un disque complexe mais immédiat, capable de prouesses mélodiques impressionnantes. Toujours en équilibre, entre naïveté désarmante et arrangements complexes, osés (le sublime, faussement naïf et très touchant colors, alliance de post-rock et de pop orchestrale), accessibilité et expérimental (l’étrange, hypnotisant et mouvant south of tucson), ne sachant choisir entre l’instrumental (souvent de courtes bande-sons oniriques) et le chant, le français, l’anglais, soi ou un autre (Xavier Plumas sur souvenir hanté), parfois à la lisière du mauvais goût (el cairo, ou l’illustration d’une B.O de film porno italo-égyptien des années 70 ou d’un René Clair, au choix) et de l’anti-accord parfait (le curieux, fascinant et dissonant carnaval mou, aux arrangements sophistiqués et cheap).
A lire la description ci-dessus, on serait tenté de passer son chemin en se disant qu’un disque qui ne sait pas où il va doit être d’un pénible sans nom. Pourtant l’un des talents de Thomas Belhom, outre la finesse mélodique présente dans chaque recoins de Maritima, est de parvenir à faire de toutes ces contradictions un tout homogène, d’une grande immédiateté (l’album, dans son ensemble, séduit dès la première écoute), empli de mystères, de failles que l’on souhaite explorer de nouveau une fois l’écoute terminée. Maritima est un album qui se livre peu à peu, qui va et vient dans votre crâne tel un ressac, qui s’ancre au fur et à mesure des écoutes pour ne plus vous lâcher. La marque des grands disques si on y réfléchit bien.
Sorti chez Ici d’ailleurs et dans toutes les bonnes crèmeries le 10 novembre.
En concert pour 5 dates :
27/11 – La Rochelle @ La Sirène / Masterclass
28/11 – La Rochelle @ La Sirène (22h30)
29/11 – La Rochelle @ La Sirène (19h30)
11/12 – Paris @ Petit Bain
17/12 – Allonnes @ La Péniche