Comme son nom l’indique, Thomas Hayward est brestois. Comme son nom l’indique, il est aussi britannique. Le cul entre deux chaises, entre deux cultures. Le son du jeune homme, il va le chercher du côté d’un certain Rock, anglais de préférence. On pensera en particulier aux Libertines pour ce retour aux bases, aux fondamentaux, soit une pulsion régressive.
Thomas Hayward, on l’a connu avec les Blueberries, son premier projet. Pendant un temps, le jeune homme part s’installer à Londres, dans le quartier de Mile End. Toujours la bougeotte, fougue de la jeunesse en somme, il quitte le continent européen pour Montréal tout en continuant à travailler à ce disque. Il y rejoint Daran qui s’attelle avec lui à la production de ces titres qui commencent à former un album. Avide de nouvelles expériences, Thomas Hayward découvre le cinéma et joue dans des courts-métrages. Pendant ce temps-là, ses morceaux mûrissent lentement mais sûrement.
Ne venez pas chercher dans ce disque quoique ce soit de novateur ou de révolutionnaire. La musique du brestois n’a absolument pas cette volonté. Non, ce qui est à trouver dans cette Power Pop c’est précisément le cahier des charges que l’on attend d’un tel disque, soit de l’énergie, une spontanéité confinant à la naïveté, l’innocence. Le Rock, en vieillissant, a peut-être perdu en chemin une part de son innocence, de sa sauvagerie sans enjeu. Ce simple objet, cette seule volonté de faire danser les filles et de balancer du bruit bien fort dans des amplis à base d’accords binaires. Retrouver l’innocence n’implique pas pour autant de se laisser totalement happer par elle. Thomas Hayward fait preuve d’une belle clairvoyance tout au long de Mile End en affirmant une hargne combative et une musique brute sans effets, presque rétro.
On entend parfois dans le Background de cette musique frontale quelque chose de plus adulte en germe, un fond de fureur héritée de Nick Cave ou encore de Mark Lanegan. Reste à Thomas Hayward à se laisser policer par le temps qui fait son ouvrage. Thomas Hayward chante les nuits de Bohème, les lieux interlopes, les êtres à la marge avec son physique comme sorti d’un film de Fassbinder, Querelle par exemple. Un visage encore marqué par les rondeurs de l’adolescence. Hayward chante le dépaysement, la quête de racines, interrogation sans doute fruit de sa double-nationalité. Il chante les errances, les ports. Bien que chanté intégralement en anglais, il chante Brest comme personne, cette ville tout au bout de la terre. Ces rues où l’on bascule dans le tragi-comique en quelques instants, ces corons de l’Ouest autour de l’arsenal. Ces marins saouls en goguette, les virées du côté de Recouvrance, les morts qui suintent des murs de la rue de Saint-Malo, l’ombre de Mac Orlan, les mains rouges et luisantes.
Mile End est à lire comme un voyage initiatique, celui d’un jeune homme en construction, en maturation. Le cheminement d’un artiste vers son identité et sa singularité propre.
Sortie le 12 octobre 2017 sur toutes les plateformes de téléchargement