[dropcap]B[/dropcap]enoît Séverac est né en 1966 et présente un CV étonnant, aussi dense qu’éclectique, de ceux qui forgent une expérience solide des hommes et de la vie. De ceux, également, qui permettent d’enrichir les textes qu’il écrit et de donner chair à des personnages plus vrais que nature, puisque, depuis 2007, l’homme s’est lancé avec autant de succès que de discrétion, dans une carrière d’auteur riche d’une quinzaine d’ouvrages (jeunesse autant qu’adultes) récompensés par une trentaine de prix à travers le pays. En 2017, le festival toulousain « Le Marathon des mots » lui propose d’animer un atelier d’écriture à destination des détenus de la prison de Muret. C’est de cette rencontre qu’est née l’intrigue de Tuer le fils, troisième roman qu’il publie à La Manufacture de Livres.
Après avoir passé quinze ans en prison pour le meurtre d’un homosexuel, Matthieu Fabas est libéré. Le lendemain, son père est assassiné. Les preuves sont accablantes et le mobile semble évident. L’inspecteur Cérisol est chargé de l’enquête, secondé par ses adjoints Nicodemo et Grospierres. Ils vont devoir, à travers les cahiers de Matthieu Fabas, se plonger dans le passé de la famille pour essayer de comprendre les relations orageuses du père et de son fils.
Il faisait partie de ces flics qui le sont devenus non pas pour sauver la veuve et l’orphelin – ceux-là ne tiennent pas, ils meurent en même temps que la veuve et l’orphelin, parce que dans la vraie vie, les veuves et les orphelins sont des proies faciles et périssent, dans la vraie vie les salauds gagnent – mais pour restaurer un peu d’équilibre dans les rapports de force, pour repousser la barbarie. Sans prétendre la défaire, mais la contenir, quelque temps encore. Pas partout, mais par endroits.Benoît Séverac
Inscrit à un atelier d’écriture durant son incarcération, Matthieu Fabas semble y avoir trouvé un exutoire, une révélation, et ses mots, que Cérisol lira avec attention, permettent d’entrevoir les conditions dans lesquelles il fut élevé et essaya, des années durant, de gagner l’estime de son père. Celui-ci, homme dur et violent, membre d’une équipe de motards à l’idéologie haineuse et raciste, semble n’avoir jamais accordé à son fils l’amour et l’estime que celui-ci pensait mériter, le poussant inconsciemment à commettre l’irréparable.
À travers le portrait de deux hommes que seul unit le lien père/fils, Benoît Séverac parvient à esquisser le chemin parcouru par chacun d’entre eux pour devenir ce qu’il est. Mais il ne se contente pas de remonter l’histoire de cette confrontation, s’attachant également à chacun de ses protagonistes, personnages principaux autant que secondaires. C’est ainsi qu’il développe de véritables liens entre Cérisol et ses adjoints, des rapports parfois complexes pouvant déboucher sur des conflits.
L’environnement familial de chacun est également très présent dans le récit, source de tensions parfois, de joie ou d’inquiétude à d’autres moments. Il n’ y a (quasiment) pas de simples figurants ici, chacun(e) a un rôle à jouer et c’est dans l’épaisseur qu’il donne à ses personnages que Benoît Séverac se montre le plus convaincant. On se permettra un bémol quant à l’intrigue et à la dernière partie du roman qui, contrairement aux qualités évoquées plus haut, nous semble manquer de crédibilité.
Plus réussi sur le fond que sur la forme, Tuer le fils ne devrait pas être abordé comme un roman policier même s’il en contient tous les ingrédients. Sa plus grande force est l’attention que l’auteur accorde à ses personnages, donnant à chacun une part d’humanité parfois difficile à deviner au premier abord mais qui, finalement, devrait exister en chacun de nous. On le voit, le CV évoqué en début de chronique a, en tout cas, permis à son auteur de fréquenter ses semblables. L’expérience est indéniablement profitable et offre à ce texte une consistance qui aurait pu lui faire défaut.
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Tuer le fils de Benoît Séverac
La Manufacture de Livres – 6 février 2020
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Photo : Ye Jinghan / Unsplash