[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]C[/mks_dropcap]a fait déjà longtemps que Serge Teyssot-Gay fait rugir sa guitare acérée.
Déjà, au (bon vieux?) temps de Noir Désir, et notamment de Tostaky, on pouvait entendre sa guitare déferler sur les textes de Cantat. Grâce à lui, Tostaky est devenue un hymne, et il faudrait un article entier sur cet album dantesque où les guitares se lâchent enfin.
Et puis, très rapidement, Serge Teyssot-Gay a cherché à s’affranchir du carcan du groupe et a multiplié les collaborations hors norme, sans jamais cesser d’explorer de nouveaux terrains.
Album solo, mise en musique des textes du poète Hyvernaud, création du projet Interzone, où le guitariste joute musicalement avec le joueur d’oud iranien Khaaed Aljaramani.
Dernier projet en date, Zone Libre, avec Cyril Bilbeaud (ex batteur de Sloy), collectif à géométrie variable, qui a vu passer au micro notamment les rappeurs engagés de La Rumeur. Avec déjà deux albums au compteur et des textes résolument tournés vers le social et la banlieue, le collectif multiplie les projets expérimentaux. Zone libre trace sa route à part dans le paysage musical français plutôt formaté.
Leur dernier disque, sorti fin 2015, s’appelle Polyurbaine, et opte pour un ton afrofunk. Autant les premiers albums de Zone Libre étaient plutôt urbains, autant celui ci est résolument tourné vers l’Afrique.
Ce nouvel album est superbement servi par le talent de chaque musicien. Les guitares de Serge Teyssot-Gay sont percutantes à souhait et forment un groove impeccable avec la batterie de Cyril Bilbeaud. Le micro est partagé entre le rappeur américain Mike Ladd, et Marc Nammour du groupe La Canaille, déjà collaborateur de Zone libre.
La force de frappe de Zone libre provient également de ce mélange des voix, des langues dans lequel le français et l’anglais s’entremêlent dans un puissant flow. Rarement un mélange des langues n’a jamais aussi bien sonné.
Ici, comme indiqué dans le livret, tout est live, pas d’overdub, pas de chichis, ça joue, tous ensemble et rien d’autre. On est littéralement entrainé dans cet album au groove incessant, proche d’un afrobeat à la Fela.
https://www.youtube.com/watch?v=-O3scVaO_Ig
Sept morceaux composent ce disque, mais on pourrait presque croire que c’est un seul morceau en sept mouvements tellement il y a une continuité entre eux.
Au niveau des textes, on retrouve bien l’esprit urbain du hip-hop, avec en toile de fond la banlieue, l’esprit social, la débrouillardise, la violence du quotidien. On tient là un véritable manifeste de poésie urbaine.
Cet album propose un excellent condensé de toutes les expériences passées de Serge Teyssot-Gay. Avec Polyurbaine, bienvenue dans un joyeux melting-pot qui mêle hip-hop, rythmes afro, rock. Ce n’est pas à proprement parler un album à danser, mais néanmoins, il s’agit clairement d’un projet conçu à la fois pour l’esprit et le corps, et qui se passe en boucle.
Zone Libre Polyurbaine, Intervalle Triton, 2015