Le 10 avril 1991 sortait sur les écrans français un film aussi étrange que fascinant : Edward aux mains d’argent, du grand réalisateur américain Tim Burton. A l’origine du film, un dessin représentant un homme avec des ciseaux à la place des mains réalisé par Tim Burton pendant son adolescence, reflétant les sentiments d’isolement et d’incapacité à communiquer du jeune homme avec les habitants de la banlieue résidentielle où il demeurait alors.
Ce film marque la rencontre entre un réalisateur américain unique en son genre, féru de bizarre et de fantastique, et celui qui deviendra dès lors son acteur fétiche, le jeune Johnny Depp. La star de 21 Jump Street, âgée de 27 ans à peine, cherche alors le rôle qui va faire décoller sa carrière au cinéma. Bingo ! Retour sur un film culte qui marque la première étape d’une complicité et d’une amitié, à la ville comme à l’écran, entre deux monuments du cinéma.
L’histoire se déroule dans les années 60 dans une de ces banlieues américaines typiques, dans un quartier aux maisons et aux pelouses impeccables et un décor édulcoré aux couleurs pastels, à l’instar de nombre de comédies musicales américaines.
Peg Boggs (Dianne Wiest), vendeuse de cosmétiques à domicile, découvre en allant taper à la porte d’un château isolé un jeune homme étrange et apeuré aux allures de Frankenstein, dont le film s’inspire très librement, qui lui dit s’appeler Edward. Loin de ressembler au commun des mortels, Edward a le teint cireux des morts, de larges cicatrices sur le visage et les cheveux fous de Tim Burton. S’il a reçu un cœur pour aimer et un cerveau pour penser, comme tout être humain, son inventeur excentrique (Vincent Price dans son dernier rôle) est hélas décédé avant d’avoir pu lui offrir de véritables mains, les siennes étant constituées de ciseaux.
Émue par l’histoire d’Edward et sa solitude, Peg décide de le recueillir chez elle. Accueilli dans la famille Boggs, il découvre la chaleur d’un foyer, le sentiment amoureux aux côtés de la jeune et jolie Kim (Winona Ryder) et coule des jours heureux, créant la beauté de ses mains de monstre et suscitant l’admiration dans la petite ville. Jusqu’à ce que la curiosité et la fascination de la population, notamment féminine, se transforment en jalousie et en hostilité…
Malgré ses allures de conte de fées, Edward aux mains d’argent est un véritable conte fantastique et satirique aux airs gothiques et nous plonge dès le générique dans l’univers de Tim Burton, alors à l’orée de son œuvre. Mettant merveilleusement en scène le contraste visuel entre la banlieue proprette colorée ultra conformiste et le sombre château d’Edward, qui puise ses influences dans l’expressionnisme allemand et le gothique, le réalisateur nous livre une critique grinçante de l’american way of life et explore habilement les thèmes de l’exclusion et de la marginalité dans ce film d’une grande sensibilité.
Il nous offre ici un très beau plaidoyer pour la différence et nous montre que l’être humain est parfois bien plus monstrueux que la bête. On ne peut qu’être sensible à la musique du compositeur Danny Elfman, qui ajoute à la poésie et à l’émotion de ce sublime conte fantastique.
Récompensé par le prix Hugo, le Saturn Award du meilleur film fantastique et le BAFTA Award des meilleurs décors, le film a reçu trois autres nominations aux BAFTA Awards, ainsi qu’une nomination pour l’Oscar du meilleur maquillage et Johnny Depp a été nommé pour le Golden Globe du meilleur acteur dans un film musical ou une comédie.
Un très beau film, à voir et à revoir en famille, incontournable dans l’œuvre singulière d’un réalisateur qui n’en finit pas de nous étonner et de nous émerveiller depuis 25 ans.