[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]T[/mks_dropcap]abarly avait le même regard que mon grand-père. Cette même forme de sagesse qui y transparaissait, avec le même goût de l’aventure. Mon grand-père n’était pas un grand aventurier. Il était assureur vendéen et n’avait d’aventures que lors de ses longues baignades sur la plage bretonne de Trégastel.
Tabarly, lui, fut l’un des grands aventuriers du siècle dernier. Le parallèle que je fais entre mon grand-père et le navigateur peut paraître audacieux, mais ce qui relie ces deux hommes dans mon paysage intime ne peut être exprimé rationnellement.
Ce que je vois dans le regard de Tabarly, c’est la sagesse de l’envie. Éric Tabarly possédait une grande force, celle d’affronter la mer sur des bateaux, ses 7 Pen Duick, qui firent évoluer la voile. Sans lui, la course au large ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui. Elle ne serait pas perçue de la même manière en France.
Lors de sa victoire de la Transat Anglaise en 1964, la France le reconnait comme un héros et De Gaulle le fera chevalier de la légion d’honneur. Il faut dire qu’avant lui, les Anglais régnaient en maitre sur les mers. Je ne peux qu’imaginer mon grand-père devant son poste de télévision, admirant ce jeune marin téméraire.
Tabarly a révolutionné la voile en apportant aux bateaux de grandes innovations. Pen duick V est l’un des premiers bateaux Français à être léger et planant. Il préfigure les futurs titans des mers. Durant sa carrière, le marin aura établi plusieurs records comme celui de la traversée de l’Atlantique nord en multicoque.
Pourtant, Tabarly était lucide sur la soi-disant quête de vitesse dans le milieu de la voile. Il disait que l’on peut avoir une sensation de vitesse avec seulement 9 nœuds et qu’inversement avec 20 nœuds, la navigation peut paraître lente. Ici se voit la sagesse du marin. Ce qui l’animait était le respect de la mer et du bateau.
Aujourd’hui nous célébrons les 21 ans de sa disparition le 13 juin 1998 en mer d’Irlande, projeté à l’eau au cours d’une manœuvre lors d’un convoyage de son bateau Pen Duick, premier du nom. Ce bateau fut le rêve de sa vie et lorsqu’il n’était pas en course, il naviguera avec le long des côtes bretonnes. Ce voilier transmis par son père fut rénové à deux reprises. En 1998, il fêtait ses 100 ans.
Je me suis inventé un souvenir, celui de voir sur la plage de mon enfance un voilier à coque noire naviguant au loin. Dans ma tête, l’image se construit avec mon grand-père en premier plan regardant la silhouette de Pen Duick. Je me construis cette filiation. Personne ne pourra contredire mon rêve. Oui, il y a dans ma famille un marin au regard sage qui a navigué habilement et aima la mer comme on aime un proche.