[dropcap]À[/dropcap] l’automne 2009, qu’est-ce qui n’avait pas encore déjà été écrit, dit ou asséné sur le personnage oblique de Benjamin Biolay ou sur sa musique ? Irritant(e) voire insupportable pour certains, inspiré(e) voire génial(e) pour d’autres (plus rares peut-être), incompréhensible voire « invendable » pour l’immense majorité du public français sans doute.
Le talent majeur que l’on pouvait (devait ?) reconnaître au bonhomme, était de ne rien faire comme ses camarades de la « nouvelle chanson française » (quelle vaste blague, cette expression). En effet, Benjamin Biolay n’a rien, mais alors vraiment rien à voir avec la plupart des chanteurs ou chanteuses qu’on affublait alors de cette étiquette : lui carbure à l’ambition (prétention, diront certains) comme d’autres au savoir-faire de petits besogneux pensant révolutionner la chanson à texte, ou pire, le rock dit « festif ».
Avec ce cinquième véritable album sous son nom seul, celui que l’on traitait dédaigneusement de dandy germanopratin affirmait un souffle et une exigence sans aucune commune mesure avec ses pairs présents ou passés, hormis peut-être le Daho des grandes années 1984-1995. En effet, avec ce double album gargantuesque, Biolay semblait vouloir reprendre le flambeau sur un terrain que le rennais avait laissé en friche au début des années 90 : dresser un pont entre verbe haut et lettré, et pop anglo-saxonne d’excellente facture.
Pour la première fois conscient de ses limites comme de ses capacités, il nous livrait ici une collection de vingt-deux chansons quasiment toutes imparables, dont la variété du spectre sonore n’a d’égale que la hauteur de vue de textes écrits semble-t-il tout près de l’os. De l’ouverture majestueuse de la chanson-titre, à la Massive Attack, agrémentée d’un saxophone aux relents no wave, à l’énergie fulgurante de Prenons Le Large qu’on jurerait emprunté à New Order, d’ambiances feutrées que n’aurait pas renié le Miles Davis d’Ascenseur Pour L’Échafaud (comme sur l’introspectif La Toxicomanie) à de vibrantes montées de cordes arrangées avec le tact habituel qu’on lui connaît, et enfin de magnifiques véritables bijoux de chansons ouvragées (Ton Héritage, en forme d’hommage au bord des larmes à sa descendance, ou La Mélancolie, intimiste au possible) en descentes abyssales et lacrymales (le radical Padam ou le plus hypnotique Jaloux de Tout), Biolay réalisait enfin le sans-faute qu’on était en droit d’attendre de lui depuis la promesse de ses débuts.
[dropcap]A[/dropcap]lors tant pis si Benjamin Biolay paraissait imbuvable ou hautain (ce qu’il est peut-être, mais l’art n’a rien à voir avec la bonhomie), car La Superbe demeure, à ce jour, la réussite la plus éclatante de l’un des artistes les plus sous-estimés de la pop française contemporaine.
Et bien que les fans « historiques » lui préfèrent volontiers le plus sombre À L’Origine ou le plus tranchant Trash Yéyé, La Superbe vaudra enfin à Benjamin Biolay la reconnaissance tant attendue du public, ainsi que deux prestigieuses Victoires de la Musique en mars 2010, dans les catégories « Album de l’Année » et « Meilleur Interprète Masculin ».
Ce qui n’était que justice (pour une fois).
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dernier album écoutable dans son entier
Wesh Wesh
j’ai tellement aimé cet album
Putain ça nous rajeunit pas.