John Lennon nu allongé contre Yoko Ono, l’embrassant… quelques heures avant son assassinat le 8 décembre 1980. La plus célèbre des couvertures du magazine Rolling Stone. C’est elle. Annie Leibovitz. Photographe en chef de Rolling Stone depuis l’âge de 26 ans.
En 1983, elle quitte le magazine pour Vanity Fair et Vogue. Se plaît à travailler des mises en scène choc, abouties, très étudiées, autour d’un personnage dont finalement quelque chose de parfaitement naturel et personnel finit par exploser dans un décor fabriqué ou factice. Esthétique et ultra mise en scène, la mise en place provoque l’œil et Annie Leibovitz capte la personnalité.
Leonardo diCaprio un cygne enroulé autour du cou.
Arnold Schwarzenegger torse nu sur un cheval blanc.
Demi Moore enceinte posant nue.
Whoopy Goldberg dans un bain de lait.
Photographe du glamour, des personnalités politiques, des célébrités du monde du cinéma et de la musique, qui lui ont ouvert les portes de la renommée internationale, Annie Leibovitz est pourtant également une photographe de l’intime, de l’instant si sensible et privé qu’il n’existe que pour ceux qui les vivent. Les magnifiques photos personnelles de sa mère, comme celles de sa compagne, la magnifique Susan Sontag, dans ses derniers moments, sont la preuve de cette capacité qu’elle a de comprendre, voir, atteindre la vie dans sa terrible simplicité.
Ou encore, prête à vouloir changer certaines choses concernant le regard sur le corps féminin, sa vision réaliste de la femme mise en scène pour le calendrier Pirelli, à l’origine référence aux femmes Pin-up érotisées et prêtes à garnir le casier d’un garagiste…
Tout d’abord en 2000, Annie Leibovitz avait été conviée à travailler sur ce calendrier et sa proposition avait été une série de travaux sur le corps nu, à la manière d’une étude artistique d’inspiration renaissance du corps de la femme et dans le respect de la réalité crue, transcendée par la lumière, non filtrée par le fantasme masculin.
16 ans plus tard, la version Leibovitz du calendrier Pirelli, donne à voir une galerie de portraits de 13 femmes de différentes tailles, âges et ethnies, et plus souvent habillées que dénudées, pour représenter les idées d’accomplissement professionnel, sportif, artistique, loin des seules caractéristiques plastiques qu’on octroie aux femmes en tant que qualités incontournables (liées au plaisir masculin). Résultat, d’incroyables portraits comme celui d’Amy Schumer buvant un café le plus naturellement possible nue sur un tabouret, ou encore la pose qui en impose de Patti Smith et son profond regard d’aigle.
Leibovitz a la photo dans le sang, ne s’arrête jamais de voir l’image dans les moments même les plus difficiles, comme l’enterrement de son père. À la question « qu’est-ce que c’est la vie d’un photographe » posée par sa sœur dans le documentaire qu’elle lui a consacré en 2008 Annie Leibovitz: A Life Through a Lens, elle répond « C’est juste la vie… la vie à travers l’objectif« .
Démesurée, contestée, adulée, double, elle est simplement une des plus grandes photographes de ce monde depuis ces cinquante dernières années.