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[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]Q[/mks_dropcap]ui ne se souvient pas des premières notes de cette chanson intemporelle sur lesquelles surfe Brazil dès sa séquence d’ouverture ? Un vol dans les nuages, juste avant la présentation de la société consumériste qui sera attaquée sans cesse ensuite, au son joyeux d’Aquarela Do Brasil d’Ary Barroso, classique parmi les classiques, responsable même du titre du film de Terry Gilliam.
La vision rétro-futuriste d’une société totalement dévouée et soumise aux procédures administratives déshumanisantes est posée plutôt clairement dès les premières minutes : un homme chasse la mouche qui l’agace dans son bureau du ministère de l’information, à l’ambiance guerre froide et écoutes secrètes, dans lequel turbinent des kilomètres de listes de noms en mode automatique… et paf la mouche. La chute de l’insecte dans une des machines va provoquer le chaos absolu : transformer la frappe d’un nom. Mr Tuttle sur une de ces fiches devient alors Mr Buttle.
Les conséquences pour cet homme seront… faramineuses ! Terrorisme, résistance, plomberie et histoire d’amour, une féerie de bric et de broc en illustration de l’effet papillon, celui-là même qui introduit le chaos, la modification du monde cauchemardesque dans lequel vit et rêve Sam Lowry (Jonathan Pryce).
Pathétique petit gratte-papier inefficace, Sam existe mais n’y croit pas vraiment, et se voit vivre des instants si différents, si impossibles, comme voler, librement… et vivre l’aventure avec la femme de sa vie. L’occasion de changer les choses est trop tentante, et le voilà parti à la recherche d’un moyen de réparer cette injustice.
Mais dans ce monde grotesque voué aux procédures, aux normes, l’homme et sa raison n’a plus de place, et le plus sensé devient le plus absurde.
D’inspiration kafkaïenne et d’assise orwellienne, Brazil est le film où l’outrance devient la règle, qui établit un point de vue monstrueux sur l’humanité et son cynique futur (flippant) ; grâce à un objectif très grand angle, Terry Gilliam offre des perspectives vertigineuses ainsi que des galeries de portraits déformés qui entreront à jamais dans une mythologie inoubliable.
Loin des délires gag-esques de son époque de création au sein des Monty Python, Terry Gilliam impose une vision ultra personnelle de l’Homme, à la fois poétique et désespérée, qu’il parviendra à défendre jusqu’au bout contre les producteurs, réussissant même à échapper à leur injonction de happy end.
Malgré une carrière en dent de scie, Terry Gilliam a signé là une pièce maîtresse du cinéma contemporain, même entrée dans le panthéon du langage quotidien… pour qualifier une situation ubuesque, ne s’écrie-t-on pas « mais c’est Brazil !! » ?
Belle chronique !