Au scénario complexe pétri de manipulations et trahisons, aux couleurs ironiques, romantiques et surtout cyniques, Miller’s Crossing est le troisième film des frères Coen, et un des meilleurs.
[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]V[/mks_dropcap]oici l’histoire de Tom Reagan (Gabriel Byrne), bras droit d’un puissant mafieux irlandais en pleine guerre des gangs. Pendant cette période violente que sont les années 20, où tout a été possible avec un peu de bonne volonté au fond de la mitraillette, il était bon de savoir manier le mensonge… et Tom est un maître en la matière. Sardonique et arrogant, il a atteint un niveau de hiérarchie au sein de la mafia qui révèle une grande sagacité et une capacité à survivre hors du commun. Et Tom décide d’aller… plus loin encore.
Ethan et Joel Coen voulaient fabriquer un film d’hommes à chapeaux. Un vrai film de gangsters. Mais plus noir que noir.
La scène d’ouverture donne le ton : ici, vous n’en croirez pas vos yeux et vos oreilles… un gangster nous fait un laïus sur l’éthique ! John Polito, gigantesque comédien dont les frères Coen réutiliseront plusieurs fois les talents, est Johnny Caspar, mafieux brutal qui explose une séquence en expliquant à la fois l’humanité, la solitude paranoïaque et la contradiction permanente dans laquelle baignent les puissants. Ces gangsters mythologiques n’ont rien de dieux, ils sont triviaux et torturés, finalement ridicules.
La loyauté tout à fait relative de cette clique est le terreau du film : Léo retient Caspar de descendre Bernie, le frère de la femme qu’il aime. Cette fameuse Verna qui le trompe allègrement avec son bras droit Tom… L’occasion de chacun de doubler son prochain se présente, et qui va tirer son épingle du jeu ?
Dans le rôle de Leo, le regretté Albert Finney, formidable de rigidité sur le fil de la folie, inoubliable dans la scène de défouraille à la mitraillette en robe de chambre.
La brune Marcia Gay Harden mène la foule masculine en jouant sur tous les tableaux, femme qui se sait piégée tout en se criant libre, passant étonnamment vite de la moue sensuelle à la claque tonitruante.
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Verna : Shouldn’t you be doing your job?
Tom Reagan : Intimidating helpless women is my job.
Verna : Then go find one, and intimidate her.
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Dans les pompes de son frangin Bernie, loser en grand danger, pour la première fois (d’une très longue et fidèle carrière commune) avec les frères Coen, l’époustouflant John Turturro passe de terribles moments.
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Bernie: Look in your heart! Look in your heart!
Tom Reagan: What heart?
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Casté pour la première fois lui aussi dans une production Coen, Steve Buscemi enfile le costume d’un bookmaker au profil de fouine et au débit oral hallucinant, Mink Larouie.
Écriture ciselée des dialogues, casting de rêve, prise de vue inventive comme à l’habitude du duo Coen, et brillamment photographiée par Barry Sonnenfeld, Miller’s Crossing est un constat et une terrible fable à la fois.
Chapeau !