A Girl Walks Home Alone At Night (en chronique ICI) m’avait laissé un excellent souvenir du précédent Festival international du film de la Roche-sur-Yon. C’est donc avec grand plaisir que je reviens à cette nouvelle édition et j’ai choisi de vous parler de deux films qui m’ont marquée de la Compétition Nouvelles Vagues et du Focus Franco Piavoli.
Samedi 17 octobre 2015 – 9h15 – mon accréditation en main, je file au cinéma Le Concorde afin de commencer mon périple de festivalière. Le premier film, de la Compétition Nouvelles Vagues, Necktie Youth, est une première claque !
Le réalisateur, Sibs Shongwe-La-Mer, âgé seulement de 24 ans, nous invite à vagabonder dans l’univers d’une jeunesse contemporaine sud-africaine aisée. Premier long métrage dramatique et puissant. Avec en arrière plan la mort d’une jeune fille, la caméra en mouvements perpétuels, nous ballade sur les routes de Johannesburg, dans des appartements ou maisons, où la défonce, les vomis et les « fucks » s’enchaînent.
En pointillé de ces scènes denses, ces jeunes, en quête d’identité, sont filmés en gros plan pour parler de leurs ressentis sur la mort de leur amie. Le réalisateur ose tout, du flou au ralenti, en passant par les gros plans, caméra en plongée et contre plongée, images d’enfance insouciantes en Super 8. Sur un fond de musique rock, de violences verbales et physiques, il pose sa caméra tel un photographe. Dés le début, il filme avec poésie les nervures de l’arbre pourtant témoin d’une scène choquante. La frontière entre la douceur, la beauté et le tragique est fragile. Comme un journal intime et une adolescence qui n’ose faire de projets d’avenir, ce jeune réalisateur nous provoque et nous interroge sur cette génération post-apartheid désabusée. Une sortie sud-africaine est prévue en 2016 et, espérons-le aussi sur nos écrans.
Un talent et une audace à suivre assurément !
Le second film de cette compétition dont j’aimerais vous parler est le film américain de Sean Baker, Tangerine. Entièrement tourné avec un iphone 5S, sa sortie est prévue le 30 décembre 2015. Film hallucinant et bouillonnant. Le réalisateur nous plonge à Los Angeles durant 24 heures. Il est allé à la recherche d’actrices transsexuelles dans un centre LGBT et a alors fait la rencontre avec Kitana Kiki Rodriguez et Mya Taylor.
Le spectateur se laisse vite happé par l’aventure de ses deux personnages et par le rythme excessif des dialogues et de la caméra, même si un instant le début du film nous laisse croire à un documentaire. Les communautés se croisent sans cesse, le spectateur ne sait jamais où « ces deux crazy » vont l’entraîner. Entre des scènes hilarantes et loufoques, parfois dramatiques, touchantes, et un mélange de musique classique, électro, nous sommes comme « projetés » dans un film d’une pure folie. Enivrée de cette escapade aux tonalités incroyablement absurdes et aux couleurs saturées ponctuées de sons explosifs, j’ai vécu 88 min d’un voyage surprenant et délirant. Ecoutez White Night Ghosts / Decadence et vous comprendrez mon voyage ! Je retiendrai aussi la vision d’une ville cruelle et sans pitié pour toutes ses communautés qui essaient de survivre les unes à côté des autres.
Seconde claque du festival ! A voir dès sa sortie !
Après vous avoir fait voyager dans un univers moderne, bruyant et audacieux, j’attire le spectateur à doucement se laisser envahir par une expérience visuelle et auditive incroyable.
En collaboration avec la prochaine édition du Cinéma du Réel, qui aura lieu du 18 au 27 mars 2016 (BPI/Centre Pompidou), le festival nous fait l’honneur de partager deux des films de Franco Piavoli (dont l’oeuvre sera à l’honneur au Cinéma du Réel).
Franco Piavoli, nous confieront Maria Bonsanti, Directrice artistique du Cinéma du Réel et Paolo Moretti, Directeur du Festival du film de la Roche-sur-Yon, est méconnu du public de par sa grande discrétion et par choix de ne pas s’éloigner de son village d’origine, dans la province de Brescia. Le son est une des parties fondamentales de ses films, ainsi que la qualité brute de la lumière. Il y a souvent peu de musique, les bruits naturels rythment le film. C’est une réelle expérience sensorielle.
Il Pianeta Azzuro est le premier film que je découvre. Pas de musique, pas de dialogue, juste le son de la vie qui nous entoure. La glace qui fond, le bruit du vent, les gouttelettes qui s’évanouissent une à une lentement. Nous contemplons cette beauté. Des images nous émerveillent : la pluie fine sur un champ de fleurs, il faut juste se laisser porter. La caméra, proche de la vie animale, nous hypnotise. Le spectateur peut même entendre le bruit de l’escargot qui glisse sur le sol. Franco Piavoli prend son temps. Il observe, capte l’éclairage naturel. Entre fiction et documentaire, avec délicatesse, il nous réapprend à apprécier les choses de la nature et à les regarder d’un œil nouveau.
Même si cela a pu être filmé des centaines des fois, le rythme de son film – alternance des jours et des saisons – nous donne matière à nourrir notre réflexion sur notre condition de créature terrestre. Des bruits du sol, aux gémissements d’amour, cris des enfants et conversations des adultes, la vie est un cycle, dont l’eau semble être l’élément essentiel. Cet artisan du cinéma nous ouvre le chemin de la réflexion de notre existence.
Le second film présenté au festival, Voci nel tempo est également une ode aux sons. Encore une fois, le rythme est central dans ce film. Les saisons, le temps qui passe et le vieillissement de l’homme forment l’armature de ce film. Il arrive à saisir les regards des adolescents et nous captive par leurs intensités. Ces images sont sensuelles. Il met nos sens en émoi. De manière radicale, il choisit de nous faire partager la vie du village et ses traditions.
Une jolie rencontre avec Noémie Lvosky au Théâtre de la Roche-sur-Yon couronnera cette parenthèse cinématographique. Noémie Lvovsky, interviewée par Nicolas Thévenin et Erwan Floch’lay, de la revue Répliques, se déroule, sous le signe de l’humour, de l’humilité et de la douceur, avec l’actrice-réalisatrice qui partage simplement ses choix de professionnelle de cinéma. Spontanée et sensible, elle nous confiera son obsession du temps qui passe. Il suffit de (re)voir Camille redouble pour comprendre l’importance de cette thématique pour cette artiste singulière.
Merci à toute l’équipe du festival pour son accueil et « la palette » de couleurs et de sensations offerte aux spectateurs grâce à une programmation dense, moderne et hétéroclite !