[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]D[/mks_dropcap]ouze ans déjà que ce bijou du talentueux Hayao Miyazaki a débarqué sur nos écrans ! Quatre ans après Le château ambulant, le grand maître de l’animation japonaise et les studios Ghibli s’attaquaient au conte de Hans Christian Andersen, La petite sirène, afin d’en livrer une adaptation de leur crû, aussi originale qu’enchanteresse.
Neuvième film de Miyazaki, destiné à un public plus enfantin que d’autres de ses créations, à l’instar de l’inoubliable Mon voisin Totoro, Ponyo sur la falaise, s’il n’est pas le film le plus marquant de son auteur, est une très jolie fable écologique venue des profondeurs de la mer. Nous y faisons la connaissance du jeune Sosuke, un garçon de cinq ans aussi débrouillard qu’attachant qui vit avec sa mère, Lisa, dans un village construit au sommet d’une falaise surplombant la Mer Intérieure de Seto. Sosuke adore la mer et porte un soin tout particulier au modèle réduit de bateau et à la casquette de marin que lui a offerts son père, Koichi, capitaine de cargo. Très souvent absent, ce dernier communique avec sa famille par radio et signaux lorsqu’il passe à proximité de la maison.
Un matin, en jouant en contrebas de la falaise, le garçonnet découvre une petite fille-poisson rouge vive et curieuse, piégée dans un pot de confiture, qu’il baptise Ponyo et sauve de ce bocal funeste. Fascinée par le monde d’en haut, Ponyo se prend dès lors d’une telle affection pour Sosuke qu’elle prend forme humaine et souhaite demeurer à ses côtés. C’est sans compter son père, un sorcier autrefois humain nommé Fujimoto, aujourd’hui écœuré par l’humanité et la pollution, qui la ramène de force au fond des mers. Bien décidée à rejoindre Sosuke, Ponyo parvient pourtant à prendre la fuite et répand au passage l’élixir magique de Fujimoto, l’Eau de la Vie, dans l’océan. Le niveau de la mer s’élève alors et les sœurs de Ponyo sont transformées en vagues gigantesques, véritable tsunami qui monte jusqu’à la maison de Sosuke et engloutit tout le village…
Vous l’aurez compris, il ne s’agit évidemment en aucun cas d’une reprise ou une relecture simpliste de l’œuvre d’Andersen -ce serait bien mal connaître Miyazaki, son univers foisonnant et son imagination sans borne. Génie moderne de l’aquarelle et de la peinture, ce dernier utilise ici habilement la trame de ce conte classique pour le transposer dans son propre univers et y explorer à sa guise les thèmes qu’il affectionne. Ainsi la question de l’écologie se retrouve-t-elle au cœur de l’histoire, le film montrant bien le « combat » sous-jacent entre l’Homme et la Nature. L’amour entre Ponyo et Sosuke bouleverse l’équilibre éminemment fragile qui permet aux deux mondes de coexister : dès lors qu’il n’est plus, la Nature reprend ses droits, engendrant tempêtes et inondations, tandis que la faune et la flore marines colonisent chaque parcelle immergée à la vitesse grand V…
Ponyo sur la falaise est également l’occasion pour Miyazaki de mettre en avant, comme à son habitude, la force de l’Amour, ici celui qui lie instantanément les deux enfants, lequel n’a ni frontière ni limite, mais également l’importance des liens familiaux : ceux entre Sosuke et Lisa d’une part, mais aussi entre Ponyo et ses parents, qui devront la laisser quitter le nid pour trouver sa propre voie, donnant à ce récit initiatique d’avantage d’ampleur et de complexité, et peut-être une note plus adulte qu’il n’y paraît de prime abord. On peut y voir aussi en toile de fond l’importance des liens intergénérationnels et la jeunesse éternelle du cœur dans la façon subtile de montrer les rapports entre Sosuke et les pensionnaires de la maison de retraite où travaille Lisa.
C’est vrai, Ponyo sur la falaise s’adresse prioritairement aux enfants : pétri de bons sentiments, le spectateur adulte ou l’amateur fervent de Miyazaki n’y retrouvera ni la complexité d’un Chihiro ou d’un Château ambulant, ni la noirceur d’un Princesse Mononoke. Mais qu’importe, cette histoire d’amitié fusionnelle entre deux enfants venus de mondes différents fait mouche et l’on ne voit pas passer les 1h41 que dure le film. La naïveté, la complicité riante et la force du lien qui unit les deux héros sont extrêmement touchantes, le doublage français est parfaitement réussi, le spectacle de la mer et de ses profondeurs est aussi enchanteur que puissant et les croyances et légendes nipponnes se mêlent merveilleusement à cette histoire très contemporaine. Que dire de la musique, qui nous ravit une fois encore par sa poésie et ses accents lyriques ! Mélange d’amour, d’humour, de tendresse, de fantastique et de poésie pure, Ponyo sur la falaise est une véritable bouffée d’oxygène et un parfait antidote à l’anxiété ambiante, à voir et à revoir en famille en ces temps troublés.