Jack Gilet n’est pas soupe au lait. Au contraire, habité par le sentiment du devoir accompli, il demeure impassible au moment d’exécuter les sentences qui le font vivre : pendre de pauvres bêtes après procès. Son histoire et sa rencontre avec Winifred, une jeune femme au tempérament de feu, nous sont contées dans une bande-dessinée originale signée David Ratte : À la poursuite de Jack Gilet (Grand Angle).
Son père a tué des hommes que la justice avait condamnés. Mais Jack Gilet n’est pas comme son père. L’héritage est trop lourd, le poids de la conscience trop difficile à porter. Alors il s’est trouvé un autre boulot, dans une contrée où la conquête de l’Ouest a marqué son époque. Lui tue des animaux qui ont fauté !

Voilà qui n’est pas commun. Pourtant, cela a bel et bien existé. Tout au moins les procès et les exécutions d’animaux (un bourreau itinérant comme Jack Gilet étant avant tout le fruit de l’imagination de David Rate).
En France, par exemple, en 1386 : une truie est déguisée en femme, mutilée et pendue pour avoir mortellement blessé un enfant. Plus récemment, en 2008, en Macédoine : un ours ayant volé du miel est condamné à payer 2 300 € en dédommagement. L’animal étant… insolvable, c’est l’État qui paie la somme à l’apiculteur lésé.


Dans la BD, une chèvre et un éléphant vont changer le cours de l’Histoire. En suivant leurs pérégrinations, on se lamente et on s’amuse. D’abord, parce que la bêtise humaine n’a d’égale que l’obscurantisme qui prévalait alors dans ces plaines du Far West. En témoigne la violence qui s’exerce et l’émergence d’un tout jeune personnage que Jack Gilet prend sous son aile mais qui, baigné dans le racisme ambiant, a tout du psychopathe en devenir. Ensuite, parce que certaines situations sont drôles et oniriques.

En effet, quelque peu rêveur et paumé, Jack Gilet s’avère prisonnier de la tradition paternelle et n’éprouve en réalité aucun plaisir à faire son job. Vengeresse, marginale et survoltée, la jeune Winifred qui le suit à son insu dans ses déplacements, va dès lors nous amuser par son espièglerie et sa naïveté. Avec sa jolie frimousse paradoxalement prête à vous sauter à la gorge au moindre pas de travers, elle présente le visage d’une quête à la fois légitime, tendre et fragile.
Finalement, bien que dur et souvent sans pitié, le Nouveau Monde selon David Ratte fait se rapprocher deux personnages que tout oppose au départ. C’est pourquoi cette BD suffit à notre bonheur.