[dropcap]P[/dropcap]our beaucoup de cinéastes, Ingmar Bergman constitue une source d’inspiration inépuisable. Il n’a fallu à Woody Allen qu’un bref contact avec le maître suédois pour se ranger parmi ses admirateurs les plus zélés. C’est en visionnant Monika en 1955 que le cinéaste et humoriste américain tomba sous le charme bergmanien. Il en résultera, en 1978, un très bel hommage intitulé Intérieurs. Monstre sacré du septième art, dont il a exploré tous les genres et l’apparat technique, Stanley Kubrick s’est lui aussi montré sensible à la maestria du Suédois. C’est dire. Les éditions Carlotta ne s’y trompe pas en publiant un abécédaire à l’attention des curieux, initiés ou non, qui voudraient en savoir plus sur le réalisateur des chefs-d’œuvre Persona, Les Fraises sauvages, Le Septième sceau ou Fanny et Alexandre. En 145 entrées, ce petit opuscule (144 pages) passe en revue ce qui a constitué l’étoffe d’Ingmar Bergman, de son parcours à l’essence de son cinéma.
Pour mesurer le chemin parcouru par le cadet d’une famille luthérienne de trois enfants, deux anecdotes rapportées dans l’abécédaire suffisent. Ses débuts en tant que metteur en scène ont lieu presque par hasard, en 1944, quand il lui est demandé de tourner une scène additionnelle pour le film Tourments. Le réalisateur Alf Sjöberg n’étant plus disponible, c’est Bergman, en qualité d’assistant-réalisateur, qui se prête à l’exercice. Ces débuts modestes, deux années avant un premier long métrage intitulé Crise, tranche nettement avec la mémorable liquidation de sa succession. En septembre 2009, la presse est en liesse : durant neuf longues heures, des investisseurs se disputent 337 pièces allant d’une banale liste de courses à des statuettes des Golden Globes. Les ventes rapportent en tout presque 18 millions de couronnes suédoises. Pas mal pour quelqu’un qui déclarait, en réaction à ses flirts amoureux, n’avoir quitté la puberté qu’à l’âge de cinquante-huit ans.
Sur le plan cinématographique, Ingmar Bergman était des plus méthodiques. Il griffonnait régulièrement dans ses carnets de notes, qui rassemblaient ses idées et ses ébauches de scénarios. Lors des tournages, tout était préparé, contrôlé, soupesé. Autant dire que la place laissée à l’improvisation était chiche, pour ne pas dire inexistante. Cette même minutie s’appliquait à ses rendez-vous professionnels. Une minute de retard suffisait à provoquer son courroux, voire à aboutir à l’annulation d’une rencontre ou d’une interview. Bergman avait pourtant un rapport complexe au travail : passionné par la maïeutique créative, il ressentait davantage de lassitude au moment de structurer ses projets. Ses thèmes de prédilection, qui nourrissent abondamment le corps du texte, allaient de l’amour à la communication en passant par la religion, la mort ou la famille. Les femmes, les horloges ou les visages constituent quant à eux des motifs inhérents au maître – et partagés, notons-le, avec François Truffaut. Mais si une récurrence cinématographique doit le lier à un grand réalisateur, il faut peut-être davantage se tourner vers les caméos et Alfred Hitchcock.
Abécédaire Ingmar Bergman A – Ö, voilà un titre qui ne saurait taire les origines suédoises d’Ingmar Bergman. Et à la lecture de l’ouvrage, il est permis de se demander à quel point la libération sexuelle du pays a pu être liée à l’œuvre bergmanienne. La nudité y occupe une place importante ; c’est d’ailleurs elle qui a poussé le jeune Woody Allen à découvrir Monika. Il est également rappelé que Persona fut partiellement censuré et que des voix se sont élevées contre Le Silence, considéré comme un objet si pas pornographique, au moins incubateur des fantasmes des jeunes Suédois. Mais entre les propositions de Bergman et la perception que certains ont pu en avoir, l’écart a parfois été immense. Ce n’est pas un hasard si le célèbre metteur en scène en est parfois venu aux mains avec les critiques de cinéma. Mais il y a une chose que ces derniers ne pourront jamais lui enlever – et qui demeure étrangement peu commentée : son impact considérable sur les séries télévisées modernes, c’est-à-dire post-HBO, à la faveur de ses Scènes de la vie conjugale.
Tous ces éléments, biographiques et artistiques, se retrouvent en abondance dans l’abécédaire proposé par Carlotta. Ce dernier, didactique, se prête volontiers à des lectures sporadiques permettant une (re)découverte graduelle du metteur en scène, sans aucune prétention à l’exhaustivité. Il va cependant bien plus loin que les mentions précitées, puisqu’il contient également des entrées sur les détournements parodiques de l’œuvre de Bergman, sur sa propension à filmer des espaces exigus, sur les ambivalences de genre présentes dans son cinéma, sur le caractère à la fois intime et divertissant de ses films, sur ses idoles, sur son admiration pour la musique classique ou encore sur son héritage filmique (de Chabrol à Craven en passant par Lynch, Kubrick ou Truffaut).
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Abécédaire Ingmar Bergman A – Ö
Carlotta, 20 octobre 2020
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