Que feriez-vous si vous trouviez une fortune en coke échouée sur une plage entre les rochers ? Romain et Matthieu, deux étudiants en vacances à Biarritz ne vont pas hésiter bien longtemps. Ils vont garder cet or blanc et remonter à Paris écouler leur butin chez les étudiants friqués de la capitale. Car cette dope, c’est de la bonne, extra pure, un vrai bijou, ils vont s’en mettre plein les poches et au passage plein le nez. Mais ce qu’ils ignorent, c’est qu’ils sont sur le terrain de jeu d’un des plus dangereux truands serbes et que sa tueuse, la froide Nathalie ne va pas tarder à retrouver leur trace. De son côté le capitaine Gabrielle Levasseur voit se multiplier les overdoses et va bientôt devoir se lancer dans une enquête où la mafia règne en maître et où les cadavres aux yeux crevés poussent comme des champignons.
Ainsi vint la nuit, premier roman d’ Estelle Surbranche est un vrai coup de maître. Ses deux personnages féminins sont très justes : Gabrielle, avec ses parts d’ombre est une flic rongée par le remord et la culpabilité. Elle écume les bars pour se noyer dans l’ alcool et les aventures sans lendemain. Nathalie la tueuse, victime devenue bourreau au physique d’oiseau frêle est à la fois glaçante quand elle perd le contrôle et émouvante quand sa mémoire la ramène à la sombre époque de la guerre de Serbie, où dressée pour tuer, elle a fait couler tant de sang.
Ce polar se déroule à un rythme effréné, les éléments de l’enquête et de la traque s’enchaînent à la perfection avec , en arrière plan, la déchéance des deux amis, simples étudiants devenus dealers attirés par l’argent facile.
Vous savez les gars, j’en viens parfois à penser que le problème est que notre vie n’est pas programmée à l’avance. Si chacun naissait avec un but déterminé et connu dès l’origine, tout serait plus simple. On jugerait l’aune de sa vie à cela : a-t-il réussi ou non à atteindre le but fixé à sa naissance ? Notre liberté nous laisse un seul choix : l’errance guidée par la recherche du gain ou le désir de jouissance. Ces désirs ne sont que des miroirs. Nous sommes condamnés à échouer car il n’y en a jamais assez… On tombe en mille morceaux, frustrés, en colère.
Estelle Surbranche fait preuve d’un vrai talent pour créer des personnages borderlines, profonds et attachants que l’on retrouvera avec un réel plaisir. Car une suite s’impose. Le lecteur en a besoin pour comprendre qui sont ces femmes, creuser leur vie, leur passé, essayer de les comprendre pour mieux les aimer ou les détester mais en tout cas pour les retenir encore un peu.
Ainsi vint la nuit, Estelle Surbranche, La Tengo Editions, à paraître le 18 Mars 2015