[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#8c2d2d »]L[/mks_dropcap]es notes de cordes qui coulent telle une rivière tranquille, une voix grésillant comme celle d’un vinyle oublié, et des histoires banales mais infinies, quelque chose de Nick Drake s’esquisse chez Aldous Harding. Son deuxième album Party vient de paraître, et c’est un pur enchantement folk.
Une folk qui fait frissonner tout le corps, une folk qui aurait pu aussi bien être écrite dans les années 50 que 70 : éternelle. Le genre de musique où l’on se sent immédiatement immergé dans un monde parallèle mais familier, une musique terrienne et cependant impalpable, là où l’on aime se plonger pour caresser la mélancolie.
Aldous n’a même pas la trentaine, mais c’est déjà une vieille âme. John Parish ne s’est pas trompé en prenant sous son aile la prodige néo-zélandaise et en produisant Party. Neuf chansons bouleversantes, neuf chansons qui resteront. Car si le premier album était déjà magnifique, celui-ci est simplement remarquable.
« Hey man I really need you back again » sont les mots qui amorcent un disque dans lequel l’amour se fait sentiment multiple, essence insaisissable constituée de joie, de peur, d’attente, et dont le questionnement demeure profond.
L’amour qu’elle met dans l’interprétation également, cette force incroyable qui émane de tout son être lorsqu’elle elle chante. Ses yeux, ses membres, sa voix, transcendés par sa propre musique ; cette voix sortie de l’on ne sait où, d’ailleurs, qui sait se faire aussi fragile qu’un souffle, tremblant et ténu murmure, ou bien abyssale, quand les graves l’arrachent vers les cavités du cœur.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#8c2d2d »]U[/mks_dropcap]n chant mis en avant par la pureté des arrangements, d’une sombre douceur : les arpèges de guitare et quelques accords de piano se croisent, le vague à l’âme, tandis qu’un fond délicat de drums les regarde.
La simplicité est ici splendeur.
Et au milieu de ce qui pourrait sembler attendu, viennent parfois s’insinuer des perturbations aériennes, troubles dans l’ataraxie ambiante, prenant l’apparence de voix, toujours (des chœurs, des doublages, le chant d’un homme). La voix donc, comme remède à la langueur.
Une langue qui, par ailleurs, est substantielle ; des mots pesés, des maux dits avec vérité.
Dans Blend, elle chante « You’re the perfect blend/You’re the perfect man/You’re the perfect wind« , puis « You were right love takes time« dans Imagining my man, qui suit.
Dans I’m So Sorry, elle se confie sur ses addictions, à l’alcool notamment. « I know everyone’s looking on why in the world what I risk this now but I find little excuses« . Elle dira dans une interview (pour NPR music) que de toutes les chansons qu’elle a écrites, c’est sûrement une de ses favorites: « Je l’ai écrite très rapidement et avec assurance. Et je ne l’ai pas remise en question ensuite […] C’était un peu comme si – je ne suis pas en colère contre moi, je ne m’en veux pas.[…] C’est plutôt comme un – ouais ben voilà, je crois qu’il y a un truc… »
Horizon (dont j’avais déjà parlé ici), évoque le besoin de solitude, et donc celui de partir, de dire au revoir.
Swell does the Skull, morceau aux allures de prière, vient clore ce joyau. C’est à l’image du reste : poignant de beauté.
Un grand disque (sorti chez le génial 4AD) pour une grande artiste. Incontestablement.