[dropcap]J[/dropcap]e ne sais pas si vous le savez mais, en pharmacologie, il existe ce qu’on appelle la potentialisation. Pour schématiser, il s’agit d’une molécule qui, prescrite à petite dose, va permettre à un traitement de gagner en efficacité. Maintenant vous allez me dire : pourquoi parler pharmacologie dans l’introduction d’une chronique musicale ? Outre le fait que psychotropes et musique sont intimement liés, il arrive que des musiciens se révèlent au « grand public » en jouant ce rôle.
Prenez l’Espagnol Refree ou Raül Refree. Né en 1976, à Barcelone, l’homme a eu jusque là une carrière d’une discrétion exemplaire : premier album en 2002, sept autres à suivre sur 12 ans et une exposition quasi nulle. Entendons-nous bien, publique l’exposition. Parce que le Catalan est vite reconnu par ses pairs en tant que musicien et producteur (Lee Ranaldo entre autres).
Néanmoins, il lui faudra attendre 2019 pour enfin atteindre une certaine notoriété, grâce à ses collaborations. La première, avec Albert Pla (pour une B.O), en 2018, reste dans la continuité de ce qu’il a connu jusque là. La seconde, celle qui nous intéresse aujourd’hui, va l’éclairer de façon conséquente. À tel point que pour ce début d’année, sortiront deux collaborations, et pas des moindres : l’une le 17 janvier dernier, avec Carolina, nommée Lina_Raül Refree, est un excellent exercice de fado. L’autre le verra soutenir l’ex Sonic Youth Lee Ranaldo. Et à l’orée du premier extrait, il est fort probable que nous tenions là un des albums de 2020.
Maintenant, pourquoi parler autant de Raül Refree ? Parce qu’il est l’invité surprise de 2019, celui que personne n’attendait. Encore moins en décembre. En épaulant Richard Youngs, il signe avec celui-ci un des plus beaux albums folk à être sorti depuis Verdancy de David Garland et le plus beau disque de l’Écossais depuis Sapphie. Bon, pour Richard Youngs, suivre sa carrière erratique relève de la gageure : plus de 100 albums depuis 1990, quelques chefs-d’oeuvre (la plupart de ses productions Jagjaguwar), des disques inaudibles, des collaborations improbables, des réussites pop inespérées (Beyond The valley Of UltraHits), des disques sortis à 30 exemplaires, etc. Pour vous donner un ordre d’idée, entre 2016 et fin 2019, le gars a sorti trente huit disques. Et depuis janvier, deux. Mais parfois, dans toute cette logorrhée musicale, il lui arrive de sortir des pépites. En 2018, Belief et Memory Ain’t No Decay côtoyaient ses grandes réussites et en décembre dernier, All Hands Around The Moment, renouait avec les sommets.
Pour cela, et pour créer une véritable intimité, le duo (enfin trio si on ajoute le bassiste Miquel Angel Cordero) s’invitera directement chez vous, jouant dans votre salon, au plus près des émotions. Vous frissonnerez tout au long de ces trente minutes, serez pris dans cet éboulis d’arpèges de Time Is An Avalanche qui vous entraînera jusque dans sa chute abrupte. Vous épouserez la désespérance de Nil By Mind, cette mélancolie qui vous étreindra, appuyée par un violoncelle prêt à vous exploser le diaphragme et dont vous ressortirez secoué, quelque peu pantois. Vous retrouverez une certaine sérénité grâce à la beauté solaire d’Another Language, d’une légèreté salvatrice, prenant le contrepoint des paroles précédentes (I’m not afraid, not at all, to learn another language and I know i’ve got you on my side). Et vous serez enfin surpris par la discordance, entre les guitares et le violoncelle, de Follow My Sleep, toujours sur le fil de la justesse, d’une beauté renversante, renvoyant, sur ses dernières notes, à la fin d’un des plus grands albums de ces cinquante dernières années, le Rock Bottom de Robert Wyatt (on s’attend presque à entendre le rire de Wyatt quand le violoncelle s’étire à l’infini et les notes de piano trébuchent).
Quatre titres donc, deux faces (le disque, sous sa forme physique, n’est sorti qu’en vinyle), deux ambiances pour un résultat côtoyant la perfection folk et la plus belle réussite de Youngs depuis plus de vingt ans, aussi bouleversant que la nudité de Sapphie et sublimé par les arrangements de Raül Refree.
Bref, grand disque de 2019, qui aurait amplement mérité sa place dans n’importe quel top 10.
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All Hands Around The Moment
de Richard Youngs & Raül Refree
Sorti le 06 décembre 2019 chez Soft Abuse en numérique et vinyle et dispo chez tous les disquaires Sapphique de France et de Navarre.
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Photo : DR / Soft Abuse