[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#E8AF67″]L[/mks_dropcap]e dernier roman de Sandrine Collette, Juste après la vague m’avait laissé sur ma faim. Je me suis donc lancé dans Animal à reculons, flairant le piège. À tort.
Animal est un coup de poing. Une œuvre puissante, dense, étonnante, passionnante. Un livre qui se dévore, qu’on déchire à coups de dents, féroce.
La construction, en elle même, est déjà surprenante.
Un prologue d’une vingtaine de pages où nous entrons par effraction dans les «traditions» de la campagne népalaise. Choquantes, entières et déstabilisantes, on les quitte d’abord à regret pour découvrir la suite du roman divisé en deux parties : Livre I Kamtchatka et Livre II avec un retour au Népal.
Regrets car les deux petits personnages du prologue disparaissent pour laisser place à une première partie sur une chasse à l’ours. On pense souvent au troisième roman de Collette, Six fourmis blanches (la montagne, une expédition et un suspens haletant).
Ici, une femme en personnage central, Lior, obsédée par la chasse en général et qui devient, petit à petit, obsédée par cette chasse en particulier. Elle avance avec son compagnon, quelques amis et trouvera un adversaire à sa hauteur avec cet ours auquel Sandrine Collette donne la parole.
L’anthropomorphisme marche ici à plein. L’instinct et rien que l’instinct pour notre ours. L’attaque, la ruse et en quelque sorte, pour lui aussi une traque, aux humains.
Ces pages extraordinaires se lisent d’une traite, avec le vertige des hauteurs, du froid, de la nuit, l’angoisse des attaques. Nous sommes tantôt l’ours, tantôt cette chasseuse ou son compagnon. Tantôt du côté de l’un, puis de l’autre.
Faut-il aimer la chasse pour adhérer à cette partie vous demandez-vous peut-être ? Sans vouloir trop en dévoiler, l’on peut dire que pour une fois, les combattants sont à armes égales. Bien sûr, il nous faut accepter que l’ours nous parle, qu’il use de stratégies. C’est étrange d’écrire cela et pourtant, ça ne l’est pas du tout quand on dévore le livre.
Et puis il y a Lior, ce personnage atypique, cette femme de tête dont on ne sait pas grand chose à part qu’elle cherche son enfance disparue, ses origines.
La dernière fois qu’elle court après des animaux… Regarder. Entendre. Ce soir, il n’y aura pas de fusil. Lior sait que la quête touche à son terme. Qu’importe, au fond, ce qui se passera au bord des lacs : ce sera fait. Quelque chose se boucle en elle, et elle devine que l’essentiel est là, reconstruire un pan saccagé au-dedans d’elle, cela ne signifie pas de grands accomplissements – au bout du compte, il n’y a pas besoin d’un éclat de mémoire, d’une déchirure soudaine dans sa conscience. Elle peut cicatriser sans savoir de quoi, puisqu’elle a la conviction qu’elle est en train de guérir de son enfance. Elle est à une coudée. Une nuit.
L’ours, Lior. Finalement lequel est un animal ? Un suspense et une fin de livre I déstabilisante laissent place au Népal du livre II. Retour aux origines. Nouvelle traque de sentiments perdus et un lecteur qui se laisse à nouveau complètement prendre. Qui peuple ces pages ? Nous ne pouvons rien en dire. Sandrine Collette retombe habilement sur ses pattes. Et même si l’on devine finalement assez vite où elle veut nous emmener, cela ne gâche pas le plaisir immense et quasi animal (effectivement le titre est parfaitement choisi) que l’on ressent à la lecture de ce roman.