Evoquer l’œuvre d’Antony and The Johnsons revient à lorgner du côté de souvenirs extrêmement plaisants. Pour confidence, j’ai rencontré celle qui allait devenir mon âme sœur alors que ma platine passait quasiment en boucle The Crying Light. C’était en 2009, le jour de la Saint Valentin (un hasard diront certains)…
Aujourd’hui, la simple caresse furtive du titre Her Eyes Are Underneath the Ground et c’est un monde de passions qui s’empare de mon être. Forcément, la musique qui nous accompagne au cours de notre périple amoureux est le reflet de nos pensées les plus intimes.
Il est évident que, partant de ce postulat, il me sera fort difficile de trouver quelques reproches au projet qui se présente chez les protégés du label Secretly Canadian.
Turning, album live doublé d’un documentaire tenant particulièrement à cœur à son auteur : Antony Hegarty dont la tessiture vocale pourrait soulever des montagnes … Preuve en est sur ce sommet qu’est Twilight !
On avait déjà entendu les sentiments rêveurs de l’artiste à l’occasion de Cut The World. Outre un titre inédit et une captation scénique, une confidence gravée dans le marbre dont aujourd’hui la suite logique vient étoffer le propos.
Parenthèse ouverte, on peut tout de même s’étonner du quasi doublon engendré par l’œuvre de 2012 et celle qui vient de sortir en cette fin d’année.
Il y a deux ans, le principal intéressé s’exprimait en ces termes au travers de la piste intitulée Future Feminism :
« (…) J’ai entendu deux rumeurs sur le Dalai Lama. La première était qu’il ne se réincarnerait pas car le monde est trop dangereux. La deuxième est que la prochaine fois il se réincarnerait en femme, ce qui serait une première dans l’histoire, mais je pense que ce serait la chose la plus révolutionnaire et le geste spirituel le plus utile qu’il pourrait faire (…) »
Histoire de marquer encore un peu plus les esprits, le film documentaire Turning mis en image par Charles Atlas, laisse la parole libre à des témoignages saisissants. Des personnes dont l’identité transgenre est ici magnifiée par un véritable souffle de sincérité … Une galerie de portraits « hors code » portés par un artiste de noir vêtu et dont le légendaire vibrato s’offre comme une danse entre douceur et courage (Everything Is New).
On assiste, un peu voyeurs, à l’effervescence des coulisses, la diffusion alors de ce spectacle pensé et élaboré avec justesse. La symbolique d’un écran qui transmet en simultané les images de modèles également présents sur la scène et placés sur un plateau tournant tels des icônes mouvantes. On pense alors à une réminiscence du clip You Are My Sister du même auteur et réalisateur …
https://youtu.be/S-NziGE6DVY
Une performance directe qui vient illustrer chaque morceau du concert qui se déroule sous nos yeux. Pour la musique, tout simplement la profondeur larmoyante du groupe (I Fell In Love With a Dead Boy).
Antony Hegarty semble habité, touché par la sensibilité de l’instant. Une expérience riche de dignité et d’une profonde beauté (Daylight In The Sun).
Le documentaire laisse également entrevoir quelques scènes de répétitions et soundcheck (tel ce piano empreint d’allégresse sur Hope There Is Someone) mais la trame principale réside dans la confession des transsexuels présents sur cette tournée.
Pour le mélomane que je suis, c’est sans doute l’altération dérangeante du DVD : Le partage alors uniquement d’extraits du concert me laissant dans la bouche un certain goût d’inachevé.
Une frustration que l’on pourrait alors compenser par le CD ?
En fait, celui-ci n’apportera pas grand-chose de neuf pour les fans d’Antony and The Johnsons (à l’exception de deux titres inédits : Whose Are These + Tears Tears Tears)
Pour autant et sans vouloir faire la fine bouche (cf mon propos ab initio) un tour d’horizon il faut le reconnaître plutôt réussi pour celles et ceux qui voudront appréhender cette musique ou approfondir le parcours d’un groupe dont l’humanité transpire comme peu d’autres. Pour les aficionados, une nouvelle piqûre de rappel en guise de résumé d’une carrière bien entamée et qui ne demande qu’à prospérer. On n’attend donc plus qu’une suite des aventures au royaume de l’émoi. Et en studio cette fois-ci !