[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#7387C1″]A[/mks_dropcap]riston Hôtel. Rien que le nom sonne bien. Quant à la couverture, elle se révèle attrayante, tant dans la composition plongeante vers le bâtiment qui donne son nom à la bande-dessinée, que dans la touche poétique qui s’en dégage, incarnée par un personnage féminin en pleine ascension… vers le ciel ! Il suffit ensuite de feuilleter quelques pages pour confirmer les premières impressions : de belle facture, l’ouvrage vaut le détour. Sur fond d’émancipation féminine, « Ariston Hôtel » (aux éditions Ici Même) de Sara Colaone (dessin) et Luca de Santis (scénario), livre une partition nostalgique des années d’après-guerre d’une Italie en pleine reconstruction.
La vie de l’Ariston Hôtel, situé en bord de plage sur la côte adriatique, n’est pas un long fleuve tranquille. Barmen et hôtesses, chef de cuisine et marmitons, comtesse, femme de ménage, enfant courant dans les coursives, mères de famille… Tous et toutes s’affairent et se croisent dans ce lieu emblématique de vacances et de calme retrouvé après la tragédie de la guerre. Mais chacune et chacun a sa propre vision du monde et de son devenir. Quand les unes revendiquent de pouvoir se balader en maillot de bain, les autres critiquent la tenue, sous couvert de bigoterie et de référence à l’encyclique du pape Jean…
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Personnage principal, propriétaire et cheville ouvrière de l’établissement, Renata surnage dans ce monde en pleine évolution. Tantôt elle s’y noie, courant à droite et à gauche, se préoccupe de son fils, sermonne son mari, ne sait comment faire face aux frais engendrés par la construction de la piscine. Tantôt elle écoute, observe, conseille, accompagne, tente de prendre du recul. Car l’Ariston Hôtel, elle ne l’a pas choisi. Mais c’est ainsi, la belle enseigne se transmet de génération en génération, dans le respect de la culture patriarcale et d’un partage assumé de biens et de valeurs.
Construite en trois actes, nous emmenant des années 50 aux années 70, la bande-dessinée traverse les époques, ses combats et ses chansons, suivant le parcours de Renata, de ses hôtes et de son personnel. Les beaux dessins de Sara Colaone se révèlent dès lors sans concession, nous révélant la beauté puis les traits fatigués des personnages, comme autant de stigmates d’une vie s’émancipant de références culturelles et sociales d’une période révolue. En effet, tandis que les maris, les pères et les soldats ont tout pouvoir sur les épouses, filles et résistantes, « Ariston Hôtel » met en scène l’auto-détermination féminine, qui s’affirme avec le temps.
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Révolution des mœurs, autorité parentale… Nombre de sujets sont abordés en filigrane de la BD avec, dans les toutes dernières pages, un texte fort intéressant de Francesco Satta (scénariste qui a beaucoup travaillé avec Sara Colaone). Il met en lumière plusieurs destins féminins ayant marqué l’histoire de l’Italie, faisant par exemple référence à la jeune Franca, qui fut la première femme italienne à avoir refusé, dans les années 60, d’épouser l’homme qui l’avait violée !
« Le choix est la mesure de la révolution », conclura Renata. Mais pour penser et agir en conséquence, il lui aura fallu presque toute une vie, élégamment déclinée sur 140 pages de BD.