[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#008000″]A[/mks_dropcap]u début de l’année 1968, Johnny Cash décide de revenir dans la lumière. Il traîne derrière lui une longue période erratique sous l’emprise de la drogue et de l’alcool. Avec l’aide de June Carter, il parvient à se sevrer et décide de réenregistrer un disque qui sera pour lui une véritable catharsis, couronné du Grammy Award du meilleur album country de l’année.
Genèse du disque
Alors qu’il est envoyé en Allemagne au début des années 50 pour effectuer son service militaire, Johnny Cash assiste à la représentation d’un film qui marquera durablement son existence, Inside The Walls of Folsom Prison de Crane Wilbur.
À l’issue de la projection, l’artiste écrit un titre, Folsom Prison Blues, qui sera publié en 1956 chez Sun Records. Il raconte :
Je me suis assis avec mon stylo dans ma main, essayant de penser à la plus mauvaise raison qu’une personne pourrait avoir pour en tuer une autre.
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j’écris un petit truc pour décaler la vidéo c’est tout.
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Le titre est un succès et trouve écho auprès de nombreux prisonniers qui écrivent régulièrement au chanteur pour l’inviter à venir jouer dans leur pénitencier. Sa vie chaotique durant les années 60, avec procès et arrestations, forge également l’image erronée, mais romantique et légendaire, d’un artiste qui serait un prisonnier endurci alors qu’il n’a passé en tout et pour tout qu’une seule nuit en cellule.
L’album de la rédemption
Suite à son difficile mois de sevrage où il retrouve la foi et à un changement de direction à Columbia Records, sa maison de disques alors, favorable pour lui, Johny Cash estime qu’il est temps pour lui d’enregistrer l’album qui lui tenait à cœur depuis longtemps, un live en prison. Celle de Folsom donnera son accord la première.
Début janvier, Johnny Cash répète pendant deux jours le concert avec June Carter, The Tennesse Three, Carl Perkins et les Statler Brothers. Au cours de ces répétitions, Ronald Reagan, alors gouverneur de Californie, passe même leur rendre visite, histoire de les encourager. C’est au cours de ces répétitions que Johnny Cash découvre un texte composé par un détenu de Folsom, un certain Glen Sherley, lui-même chanteur de country, détenu là-bas pour cinq ans pour vol à main armée. Il s’agit du titre Greystone Chapel qui émeut particulièrement Johnny Cash. Aussi décide-t-il de la reprendre sur scène.
Les paroles sont en effet éloquentes et collent parfaitement à l’état d’esprit du Johnny Cash d’alors :
Now there’s greystone chapel here at Folsom
It has a touch of God’s hand on ever stone
It’s a flower of light in a field of darkness and it’s givin’ me the strenght to carry on
Inside the walls of prison my body may be but my Lord has set my soul free.
Cash ne fera pas que reprendre et mettre en lumière la composition de Glenn Sherley. Il rencontrera l’homme durant son concert et prendra par la suite fait et cause pour lui. Il le fera libérer de prison et démarrer sa (courte) carrière de chanteur.
On le découvre ici dans un show télé, intronisé par son libérateur, peu de temps avant son suicide à la fin des années 70 :
Arrive le grand jour, le 13 janvier 1968. Johnny Cash décide qu’il fera deux concerts, l’un en matinée, l’autre à midi dans le réfectoire de la prison, pour être sûr d’avoir une qualité suffisante pour sortir un enregistrement. Après que l’animateur Hugh Cherry ait chauffé la salle, Carl Perkins débute le show avec son tube Blue Suede Shoes qui enflamme l’assemblée. Lui succèdent les Statler Brothers qui reprennent le standard country This Ole House.
Johnny Cash arrive enfin devant un public déjà conquis et attaque avec la mythique Folsom Prison Blues sous les vivats des spectateurs. Il enchaîne avec des chansons sur la difficulté de vivre dans la misère (Busted, Dark as Dungeon), la rupture amoureuse (I Still Miss Someone) et surtout la prison (Cocaine Blues, The Wall, Green, Green Grass of Home, une reprise des Everly Brothers, I’m Here to Get My Baby Out of Jail, mais aussi la terrible 25 Minutes To Go, toute en humour noir malgré le thème terrible, et sur laquelle Johnny Cash joue avec le public qui s’emballe).
June Carter le rejoint sur scène pour interpréter quelques duos, I Got A Woman mais surtout la mythique Jackson (reprise la même année par Nancy Sinatra et Lee Hazlewood), sur laquelle Cash la demandera en mariage un mois plus tard sur la scène du London Gardens au Canada au cours d’un concert, et qui recevra quelques jours plus le Grammy Award de la meilleure chanson country. Elle récite également un poème. Cash achève les deux concerts par la chanson Greystone Chapel de Glenn Sherley.
Pour la petite histoire, les cris des prisonniers et les appels de l’administration que l’on entend sur le disque auraient été ajoutés en postproduction, selon un des producteurs, Michael Streissguth. Les prisonniers, en effet, ne seraient pas autant lâchés par crainte de représailles de la part de l’administration.
Accueil et postérité du disque
L’album At Folsom Prison sort quatre mois plus tard. La chanson Folsom Prison Blues est cependant censurée suite à l’assassinat de Bob Kennedy le 5 juin 1968, les paroles sont modifiées malgré le désaccord de Johnny Cash. Cela n’empêche pas l’album d’être un succès auprès du public, il devient disque d’or au mois d’octobre, avant d’être couronné par un Grammy Award en février 1969. Quant à la critique, elle est dithyrambique. Pari réussi : la carrière de l’artiste est relancée. Le phœnix peut renaître de ses cendres.
Le chanteur enregistrera l’année suivante un autre concert en prison, cette fois-ci à San Quentin qui débouchera sur l’album At San Quentin qui recevra un accueil similaire de la part du public et de la critique. Le succès de ses disques déclinera à partir du milieu des années 70, mais l’artiste inusable reviendra sur le devant de la scène dans les années 90, jusqu’à sa mort en 2003 avec ses American Recordings, touchant un public plus large et plus jeune, qui feront de lui un monstre sacré de la musique country.
Cinquante ans plus tard, on est toujours frappé, quand on écoute At Folsom Prison, par son esprit frondeur et insubordonné. Enregistrer un disque dans des conditions live, en prison face à un public composé d’hommes considérés comme marginaux ou dangereux aussi enthousiastes, avec des chansons aussi engagées et provocatrices par rapport à l’autorité de l’État, reste inédit et semblerait aujourd’hui mission impossible. Aucun chanteur de rap ou de punk n’a jamais pu aller si loin et l’esprit sécuritaire de notre époque a verrouillé le reste.
Johnny Cash a ouvert les portes des pénitenciers et insufflé un vent de liberté qui, pour l’heure, ne s’éteint pas. Le disque ne cesse d’être réédité. Sans doute parce que Folsom a capté l’esprit rebelle de la période et cette volonté de changer les choses, de se confronter l’autorité quelle qu’elle soit.[…] Une révolution est en cours et Folsom en fait partie, comme l’affirme sa fille Rosanne Cash.
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