[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#dd3333″]J[/mks_dropcap]e me sens vraiment comme une mouche devant un pot de confiture, ne sachant pas si ceci est un piège ou encore une nouvelle occasion de succomber aux succulences offertes sur cette table où s’étalent les mets. Je suis invariablement attiré, ne pouvant jauger la fréquence de mes stimuli. Aux yeux des plus fins analystes biologistes, le phénomène est explicable et trouve son irraison dans le jaillissement agréable qui découle de cette nouvelle offrande sensorielle. Ce sont des lueurs qui surgissent et captivent comme un premier rencard amoureux, des étincelles sublimes qui illuminent les âmes en peine de douceur et d’exaltation.
La musique de Bat For Lashes est ainsi, un capteur de bons procédés pour nous protéger, tel un attrape-rêve suspendu au-dessus de nos têtes. Le discernement de son caractère délectable ne bouge pas d’un iota, il est ancré dans les profondeurs d’un cheminement pensé et exécuté avec grâce subtile et modernisme poétique.
Pour son cinquième album, Natasha Khan renouvelle l’opération du disque concept mais, contrairement à la focalisation d’une narration périlleuse d’un drame oscillant entre les noces et le veuvage (voir à ce titre ma chronique relative au troublant The Bride), nous rentrons avec Lost Girls dans une évocation bien moins anxiogène. Pour autant, la parure nouvellement taillée ne perd pas de son élévatrice diffusion. L’accroche nous informe d’un clin d’œil au cinéma hollywoodien des 80’s. Il serait donc question de nostalgie au sein d’une unité de ton. C’est en tous les cas une évidence qui s’affirme à l’écoute des dix titres qui composent un ensemble venant donner la part belle à l’héroïne fictive, Nikki Pink.
Avec Kids In The Dark nous voguons sur un océan bien connu. Le mélo est hyper attachant, nourri de vibrations éclairées, le parfaite entame pour attiser le désir de cajoler l’être aimé. De manière globale, la nouvelle production est renforcée de moult effets « vintage », de lignes de basses colossales pour une sollicitation qui enchaîne sur la puissance décuplée de The Hunger. Les deux titres parviennent à faire basculer les auditeurs attentifs dans une faille spatio-temporelle blindée de folle mélancolie.
Feel For You marque une éphémère rupture avec sa forte rythmique aux sons colorés, une récréation maîtrisée qui n’est pas sans rappeler certaines humeurs saccadés de Foals. Dans la foulée, la ligne de conduite chargée de romance refait son apparition, les synthétiseurs éclaboussent les enceintes par quelques accords plaqués, le chant demeure entêtant à souhait (j’avoue frôler tout bonnement l’érection mentale sur certains placement du timbre de notre divine interprète) et les glissades chuchotées de Jasmine viennent régaler la valse des prénoms, déjà engendrée thématiquement avec les impeccables Daniel et Laura.
Ici, le titre le plus clivant devrait être Vampires, à la fois une grosse came instrumentale flirtant avec la mouvance new-wave plus obscure. Une véritable inspiration de « madeleines » quelque peu entachées par un saxophone débarqué d’un mauvais souvenir.
Pour le reste, c’est de la haute couture ! Notamment Safe Tonight qui pourrait rivaliser avec quelques aspirations pop pour clubs branchés. Un titre qui symbolise l’esprit plus évident, moins alambiqué que les précédences dans le déroulé de ce Lost Girls dont la pochette évoque une calligraphie datée, de manière totalement justifiée. Concernant la présence du serpent, je vous laisse le soin de songer à toutes les allégories possibles et imaginables ! La fin du disque maintient le fil conducteur bien haut. C’est Peach Sky qui confère des allures secouées de réminiscences entraînantes.
Sans trahir ses envies, avec la juste dose de rappel d’une époque bercée par l’insouciance des émois, l’ultra solaire Natasha Khan révèle une parcelle de son jeune vécu, ses plus émouvantes influences dont le rayonnement poursuit de composer la trame de son œuvre. De ballades perchées comme des attrape-cœurs aux aisances vocales de plus en plus spontanées, c’est une représentation personnelle qui résonne comme l’écho de notre propre passé, cette humeur caractéristique d’une société surexcitée par l’avènement des technologies, au point de surabonder parfois dans le pesage des matières. Fort heureusement, Lost Girls s’extirpe de ce piège en ne sauvegardant qu’une émanation idéalisée de ces lointains instants. Le résultat final est finement combiné tout en restant attractif, un entêtement symbolisé par ce coup de rétro sous le soleil de Los Angeles. Au terme du disque… Un ange passe !
Lost Girls de Bat For Lashes
disponible depuis le 6 septembre 2018 chez AWAL Recordings
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