L’actualité ne cesse de charrier son lot de mauvaises nouvelles ? Prenez le temps de détendre vos zygomatiques avec la lecture de 3 bandes-dessinées : Addictions de François Ravard (Fluide Glacial) ; Pillow Man (Glénat) de Stéphane Grodet et Théo Calméjane ; et Haïku (Dargaud), le dernier Pico Bogue, de Dominique Roques et Alexis Dormal.
Addictions de François Ravard – Fluide Glacial – Octobre 2024
De grands dessins en couleur habillent de pleines pages et alternent avec de plus petits en gris. Les premiers ont été publiés dans le magazine Fluide Glacial, tandis que les seconds sont issus d’une revue mensuelle dénommée Bastille. Tous sont réunis dans Addictions, un superbe album de 96 pages préfacé par François Morel.
Généralement accompagnées d’une brève citation qui fait mouche, les illustrations, réalisées entre autres à l’aquarelle et au fusain, font la part belle au dessin d’humour, quasi intemporel, tel un vin de garde. Dixit François Morel. Qui ajoute : le dessin de presse, quant à lui, est un vin de soif, qui s’apprécie dans l’instant. Oui, c’est vrai. En même temps, se faisant comme ça par petite touche, du genre presque ni vu ni connu, les moments que décrit l’autre François (Ravard) en disent long sur une époque.
De l’influenceuse attablée dans un bistrot – navrée d’apprendre que ses 135 followers ne suffiront pas à lui obtenir un repas gratuit – au comptable s’apprêtant à sauter dans le vide, skis au pied, pour assurer le spectacle vidéo et amuser la galerie, tous les personnages campés dans Addictions ont à la fois quelque chose de désuet, de naïf et de complètement fou.
Cerise sur le gâteau : tout cela est dit avec suffisamment de distance et de classe pour nous faire rire et sourire. Et puis, comme on déguste un bon vin, on se surprend à revenir sur certaines pages une 2e et une 3e fois. Parce qu’au-delà des personnes et de la situation, il apparaît que les décors et le contexte ont, eux aussi, leur part de vérité dans l’histoire qui nous est racontée. Notre sens de l’observation s’en trouve ainsi aiguisé, au bénéfice d’une belle partie de rigolade !
Pillow Man de Stéphane Grodet et Théo Calméjane – Glénat – Septembre 2024
Franchement, la lecture de cette BD est extrêmement plaisante, tant les couleurs et le coup de crayon révèlent une atmosphère des plus agréables et enveloppantes, tout à l’image du scénario, très original et bien écrit.
Pillow Man, l’homme de nos rêves, n’est autre que Jean, la quarantaine rondouillarde et au chômage depuis 3 ans. Il était chauffeur routier. Le voici qui ronge son frein dans un camping-car posté au fond du jardin d’un petit pavillon. Il y a son univers et ses repères, tels que des morceaux de pelouse arrachés à des stades mythiques de football, sa grande passion. Marianne, sa compagne, est toujours à ses côtés. Elle lui fait confiance pour qu’il retrouve du travail, elle l’encourage et lui donne toute l’énergie possible pour qu’il ne sombre pas.
Un jour, le voici recruté par une entreprise. Son job ? Dormir toutes les nuits aux côtés de femmes ou d’hommes qui apprécient plus que tout se lover dans ses bras si rassurants. Leur sommeil n’en est que plus profond. Jean n’y voit aucun inconvénient, lui qui est insomniaque. Quand il prend son service, il se permet juste de rappeler aux clients et aux clientes qu’il ne faut pas aller plus loin. Pas touche, c’est la règle, c’est dans le contrat.
Conscient toutefois que le job, dont il se tire très bien au point de devenir « Premium », peut susciter quelques interprétations, Jean se prive de dire la vérité à Marianne, qui le croit veilleur de nuit chez LVMH !
Tendre, attachante, amusante, l’histoire se nourrit de doutes, d’anecdotes, de coups de gueule et de cris d’amour. C’est pour ce concentré de vie savamment dosé que la lecture de Pillow Man n’en est que plus savoureuse et recommandable. Ensuite ? Laissez-vous aller dans les bras de Morphée.
Pico Bogue – Haïku – Tome 16 de Dominique Roques et Alexis Dormal – Dargaud – Octobre 2024
Pico est toujours aussi tchatcheur. Il en fait même parfois des tonnes. Mais voilà qu’il revient de l’école avec une mission de premier ordre : écrire un poème. Une fois n’est pas coutume, il choisit de faire dans le phrasé court.
Avec tout de même une arrière-pensée du genre moins on en fait, mieux on s’en porte. Toutefois, le haïku n’étant pas chose facile, Pico ne va pas tarder à s’emporter, notamment face à l’imagination, aussi facile qu’exaspérante, de sa petite sœur Ana Ana, laquelle fait chanter les mots plus vite que la musique.
Avec ce 16e album de Pico Bogue, Dominique Roques (au scénario) et son fils Alexis Dormal (au dessin) nous offrent de nouveau un florilège de situations éruptives, instructives et cocasses. Le raffinement qui sied aux haïkus le dispute ainsi parfois aux grivoiseries. Les dunes, la mer et l’île du Baleineau servent par ailleurs de cadre enchanteur à l’inspiration débridée d’une drôle de fratrie, suspendue aux bons mots du copain Charlie, fan du Japon, des sushis, des kimonos et des haïkus bien sûr.
Contrepieds et mises à pied rythment la lecture de la bande-dessinée, nous rendant aussi facétieux que la tribu de Roques et Dormal. Bref, avec Pico et consorts, c’est la détente assurée.