J’ai lu, dévoré et du coup adoré Punk Rock Jesus de Sean Murphy !
Sortie en France en un seul volume chez Urban Comics en 2013 (à l’origine publié en 6 chapitres aux Etats-Unis), elle vient de recevoir le prix 2014 de la meilleure bande dessinée de Science-Fiction au Festival de Science-Fiction les Utopiales qui a eu lieu début novembre.
Punk Rock Jesus est un récit d’anticipation édifiant qui ne fait aucune concession, mettant à jour l’influence des médias et des dangers du fanatisme religieux de tout bord.
Dans une société de consommation débordante, les chaînes de télévision sont prêtes à tout pour faire de l’audience. Nous sommes en 2019 (c’est pour bientôt !), la maison de production Ophis a le titre de sa prochaine émission de télé-réalité « J2″et son sujet, filmer la vie de Jésus Christ. Recréé génétiquement à partir du linceul de Turin, un petit garçon appelé Chris naît grâce à Gwen une jeune femme vierge. L’enfant grandit ainsi sous le regard insatiable des caméras et d’une Amérique fascinée par la nouvelle « résurrection » du Christ. Mais tout ne se déroulera pas comme prévu et devenu adolescent, Chris se révolte et devient leader d’un groupe punk.
L’auteur américain fait une critique impitoyable de cette société américaine, reflet également (il faut le dire) de notre propre société, abordant la télé-réalité et ses dérives, l’écologie hypocrite, la politisation religieuse et un capitalisme toujours aussi puissant. Pourtant, ce mécanisme est remis en question grâce à des personnages abscons, énigmatiques mais pour autant très attachants. Face à un Rick Slate, producteur cupide, sans scrupule représentant la bêtise des émissions de télé-réalité ; Chris, point de mire de cette saga, prend progressivement conscience de son rôle et finit par se révolter contre l’ordre établi en crachant sa rage à travers la musique punk. Gwen (jeune femme vierge spécialement choisie et refaite physiquement pour les besoins de la production) mère de Chris, tombe finalement dans la dépression postnatale et l’alcoolisme. En parallèle, c’est le lourd passé de Thomas McKael, chargé de la sécurité du jeune prodige, ancien combattant de l’IRA (Armée Républicaine Irlandaise) que l’on découvre via des flachbacks parsemés de façon équilibrée dans l’histoire.
Les dessins noirs et blancs aux traits fins et précis illustrent magnifiquement ce one-shot et donnent un dynamisme, une vitalité incroyable au récit. Sean Murphy signe là un superbe album, fruit d’un long travail puisque le scénario est tiré de sa propre histoire. Il en a eu l’idée alors qu’il avait vingt trois ans et était catholique. Plusieurs années après, devenu athée, la suite du scénario était toute trouvée pourtant source de conflits avec ses proches notamment sa mère, fervente chrétienne.
Evidemment, on ne peut pas lâcher ce volume sans aborder la musique, hyper présente et Dieu sait si on adore ça chez Addict, la musique ! (bah quoi ?)
L’auteur a fait le choix d’illustrer chaque partie de son histoire par un morceau de musique et c’est encore là l’originalité et assoie le travail important autour de cette bande dessinée.
Trois extraits, rien que pour vous mettre dans l’ambiance :
C’est ainsi que We’re from America par Marilyn Manson est associé au premier chapitre donnant une « vision d’une Amérique fière et cynique, où il y voit un pays bourrin, sans états d’âmes et qui s’éclate à écraser son prochain s’il y a quelconque profit à la clé. »
De l’amour, il y en est un peu question dans le troisième chapitre entre Thomas et Gwen. Pourtant les personnages ne sont pas vraiment clairs sur leur situation et c’est le magnifique morceau Nightcall par Kavinsky qui remporte la mise avec son côté robotique et hypnotique. L’auteur parle notamment de la scène sous la pluie et pour laquelle il avait ce morceau en fond tout en la travaillant (le doigt appuyé sur repeat).
Dans cette bande dessinée, il est bien question aussi de musique punk rock, bah un peu quand même. Pour le coup, c’est l’un des groupes punk à la mode pendant les événements en Irlande du Nord que l’auteur a choisi pour son cinquième chapitre, pas moins que Stiff Little Fingers. Le morceau Suspect Device étant le préféré de Sean Murphy.
D’autres morceaux sont à découvrir à la fin de la bande dessinée ainsi qu’une petite biographie de l’auteur.
Une lecture qui est loin de laisser indifférent pendant et tout autant après !
Pour en savoir plus sur Sean Murphy
Merci Arthur pour ce petit bijoux et cette excellente découverte ! Une BD à lire absolument avec sa bande sonore !