Depuis 2005, Mat Sweet, alias Boduf Songs, traîne sa carcasse dans le territoire de la folk expérimentale – mâtinée parfois de touches électro – sans que grand monde ne s’en soucie. Après cinq années (et quatre albums) de bons et loyaux pour Kranky ainsi qu’un certain succès d’estime, celui-ci décide de prendre le large, s’affranchir du label pour voguer seul, à la dérive. D’abord avec un Burnt Up On Re-Entry dans lequel Sweet prend un malin plaisir à piétiner le délicat château de cartes folk érigé jusque là en explorant le métal, la tension, le dark ambient, l’électro expérimentale, côtoyant parfois les territoires d’un Trent Reznor (en plus soft, tout de même) pour un résultat déroutant et quelque peu inabouti.
Puis en sortant, le 3 février dernier, un Stench Of Exist bien plus passionnant. Signé sur un label de Black Metal, The Flenser, Stench Of Exist a de quoi dérouter tout le monde : les habitués de la boutique mais aussi, dans une moindre mesure, ceux de Sweet. Parce qu’on ne retrouve aucune trace de métal sur ce disque et encore moins de folk. Le gars a semble-t-il complètement délaissé ce qui faisait sa marque de fabrique pour explorer des territoires qu’il n’avait fait qu’effleurer sur le précédent album à savoir ceux de l’électro/indus voire du trip hop en passant par l’ambient.
Electro/indus et ambient ? fichtre, ça foutrait presque les miquettes cette description. On serait tenté de se dire que le résultat doit être au mieux chiant au pire inaudible. On pourrait. Pourtant, vous l’aurez deviné, c’est loin d’être le cas. Stench Of Exist se révèle être passionnant car Sweet aborde les genres évoqués plus haut par le prisme déformant du folk et de la B.O et ce avec une sensibilité unique. Tout y tourne au ralenti, comme engourdi par une torpeur. Il y a bien un moment où le pouls s’accélère (Thwart By Thwart), histoire de dire que Sweet peut, s’il le veut, pondre un tube, des moments de tension parfois mais là n’est pas le propos sur Stench Of Exist. C’est avant tout un album d’ambiances, une sorte de relecture modeste et neurasthénique du répertoire de Depeche Mode (celui du débuts des années 90) par Hood et réciproquement.
Un disque qui se permet de balader l’auditeur vers des fausses pistes (en gros les trois premiers morceaux oscillent entre expérimentation noise et chansons plus accessibles et « enlevées ») pour mieux l’orienter ensuite vers une ambiance poisseuse et Lynchienne (dès l’Ambient The Witch Craddle en fait). A partir de là, Stench Of Exist devient complètement flippé et hautement hypnotique. Les chansons s’étirent sur plus de six minutes, répétitives, lancinantes, entre indus et trip hop, avec quelques sommets (The Rotted Names et surtout Modern Orbita) susurrées plus que chantées par Mat Sweet, ou totalement déstructurées et robotiques (le flippant et tendu Head Of Hollow).
Les moments Ambient tendent vers les B.O les plus poisseuses (Grows In Small World Of Nerve pourrait très bien illustrer la suite de Blade Runner), voire l’abstraction la plus complète (le final Sky Pedal’s Plan nous lâchant en plein milieu de nulle part). Seule Last Song Save One fait figure de bouée de sauvetage au milieu de toute cette fange hypnotique, chanson presque apaisée à l’issue de laquelle Sweet déclare : I Would Love To See You Again. Avec de tels arguments, on serait bien tenté de répondre par l’affirmative et attendre avec une impatience certaine la prochaine livraison de Boduf Songs.
Disque en écoute intégrale ici
Sortie depuis le 3 février dernier chez The Flenser et disponible avec une plaquette de xanax et une séance de psychanalyse chez tous les disquaires homologués de France.