[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L[/mks_dropcap]e grand dessinateur et scénariste suisse Cosey, auteur de la fabuleuse série Jonathan, débutée dans les années 70 et continuée jusqu’à récemment s’est aussi fait une spécialité des one shot. On pourrait citer le grandiose À la recherche de Peter Pan ou encore Le voyage en Italie.
Avec Calypso, Cosey propose une œuvre en noir et blanc. Aucune couleur à part sur la couverture. Étonnant de la part d’un auteur pour qui la couleur est si importante. Paradoxalement, Calypso n’en n’est que plus lumineux. Les montagnes sont belles ici. Le découpage des cases avec le choix de la largeur donne une impression de grandeur.
Et il y a ces visages burinés sur lesquels on est presque obligé de s’attarder. Georgette, ainsi dessinée, lunettes noires, très noires sur le nez, est belle. Cosey nous donne des visages qui expriment quelque chose et dont on voit qu’ils ont vécu. Leurs mots, leurs actes ne démentiront pas cela. On a droit à une vraie aventure ici.
Les héros sont des sexagénaires, un peu sur le retour. Gus, qui a l’âge de la retraite mais travaille encore pour vivre et Georgette, alias Georgia Gould, ancienne vedette du film mythique Calypso. Ces deux-là se sont aimés follement à l’adolescence. Puis Georgette a percé dans le cinéma et a quitté la Suisse pour les États-Unis. Ils se retrouvent quarante ans plus tard et Georgette a une drôle de proposition à faire à Gus.
Les références au cinéma américain sont évidentes. Cosey s’en amuse. Ce noir et blanc nous envoie au temps de Billy Wilder par exemple. Et l’histoire d’une actrice sur le retour nous confirme cet hommage.
On reconnaît aussi la patte de Cosey dans certains regards, certains échanges entre les personnages. Cette tendresse infinie qu’il ressent pour eux. Cet amour. Amélia dit qu’il ne rend pas aveugle, qu’il permet de voir ce que les autres ne remarquent pas.
Phrase amusante car à double sens comme un commentaire de Cosey sur sa propre œuvre. Dans Calypso, il y a des petits détails à remarquer justement. Comme si Cosey se citait lui même mais par touches minimales. Un exemple ? Georgette ressemble beaucoup à Kate, un des grands amours de Jonathan. La ressemblance n’est pas que physique. La même envie de vivre se retrouve chez ces deux femmes, la même fragilité aussi… Et comme souvent chez Cosey, il y a cette psychologie des personnages, toujours juste et émouvante. Gus, ce grand taiseux qui lâche une partie de ses sentiments en une phrase :
Pas un instant, pas un seul instant j’ai pensé à la laisser là-bas !
De la Suisse et son lac Léman à New-York en passant par Barcelone, Cosey nous offre un magnifique album. Différent de ses œuvres précédentes par le choix audacieux du noir et blanc mais plutôt classique par ces thèmes qu’on retrouve si souvent chez lui. L’amour perdu, l’espérance, une douce psychologie faite de peu de mots.
Calypso de Cosey,
sorti chez Futuropolis, octobre 2017