Parfois, il y a des livres qui demeurent. Pas toujours. C’est comme des parfums qu’ils laissent sur leur passage. Ça s’attarde dans votre vie, dans votre cœur, ça a un peu changé la lumière.
J’ai lu Ce que j’appelle jaune de Marie Simon (publié chez Léo Scheer) l’année dernière. Une femme qui se raconte à travers la perception de l’enfant qu’elle porte en elle. Ce qu’elle a vécu, ce qu’elle devient pour lui, ce qu’il annonce pour elle.
On pourrait craindre le témoignage, les ravages de l’autofiction, sauf qu’ici tout est transcendé. Tout y est puissant, chaque mot est sensible et palpitant, faisant appel à une mémoire du corps universelle, dépassant tout contexte. C’est fort, parce que ça vous fait ressentir profondément ce que c’est qu’enfanter, c’est à dire ne plus se borner à son nombril.
Et puis, il y a cette femme que l’on connaît peu à peu par ce prisme, tourmentée, marquée par ses abandons, ses deuils, une vie d’avant éclatée. Des morceaux que son enfant va lui permettre de recoller. Le bébé perçoit tout de ses gestes, de ses inflexions de voix, de ses secrets, de ses douleurs. Le lecteur aussi. On entre en empathie et en intimité totale avec elle. On se met à l’aimer, à lui sourire. On la ressent en nous.
En même temps que le fœtus se développe comme un étrange narrateur omniscient, il façonne et dévoile peu à peu la femme qu’elle va devenir par lui et pour lui. Comme une forme de rédemption.
C’est une odyssée intimiste, poétique et mystérieuse. L’émotion absolue d’un monologue intérieur intense et beau comme une confession, un destin qui s’offre superbement à chaque mot, à chaque phrase. Une intériorité si forte qu’elle finit par résonner en nous.
Se noue un lien fort entre le lecteur et l’auteure, comme entre la mère et l’enfant. On l’aime cette fille, on la devine, on la ressent, on l’imagine, grâce à l’élégance de son style et à son art de l’allusion. On la découvre dans ce qu’elle cache. Elle rappelle toutes les femmes qui nous ont marqués, dévoile un peu de leur mystère. On la comprend. On lui sourit. Parfois même on danse avec elle.
Ce livre est une rencontre magique, une identification rare dans une vie de lecteur. Quelque chose qui parle aux souvenirs et aux sensations (ça m’a rappelé Tree of life de Terrence Malick, avec son sublime portrait maternel).
Et longtemps après, le souvenir du livre demeure.
C’est joli, pour passer l’été.