Tout commence aux prémices des années 2000, à Brooklyn, NY, lorsque David Sitek et Tunde Adebimpe forment TV On The Radio. Sitek et Adebimpe sont des amis de longues dates, artistes plasticiens avant d’être musiciens. Lorsqu’ils forment le groupe, ils oeuvrent en duo, se chargeant de tous les instruments, boucles et autres effets sonores. C’est à cette période que sort OK Calculator, clin d’œil au OK Computer de Radiohead, qui est une collection de démos,difficilement trouvable aujourd’hui. Les choses sérieuses commencent avec l’arrivée de Kyp Malone, guitariste multi instrumentiste. A eux trois, ils vont définir le « son » TV On The Radio.
En juillet 2003 sort Young Liars, un Ep 5 titres avec la première mouture de Staring At The Sun, qui figurera sur le premier album sorti par la suite, ainsi qu’une reprise a cappella du Mr Grieves de Pixies.
Desperate Youth, Blood Thirsty Babes sort en mars 2004. Coup d’essai, coup gagnant, le coup de maître arrivera par la suite. La musique proposée ne ressemble à aucune autre, flirte avec la pop, le free jazz, les expérimentations soniques parfois éprouvantes mais jamais ennuyeuses. La version définitive de Staring At The Sun leur permet de décrocher leur premier « hit ».
Return To Cookie Mountain arrive dans les bacs en juillet 2006. La consécration attendue n’aura pas tardé à arriver. Le groupe s’est stabilisé avec les arrivées de Gerard Smith et de Jaleel Bunton. Compositions solides, collaborations prestigieuses comme David Bowie, qui déclamera à qui veut l’entendre qu’il s’agit de sa formation préférée du moment et Kazu Makino de Blonde Redhead. Le groupe arrondi les angles. Les expérimentations restent, mais caressent l’auditeur dans le sens du poil. Cet album plébiscité par (presque) toute la presse musicale est une incontestable réussite.
Le 22 septembre 2008 parait Dear Science, 3ème album du groupe. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’état de grâce continue. Certes, de manière moins aventureuse en terme sonore ou d’écriture, sans doute aussi plus pop dans son approche. Si certains médias relèvent une ouverture plus mainstream, le groupe ne perd rien de son efficacité ni de sa force de frappe.
Nine Types Of Light, sorti le 11 avril 2011, sera par contre une demi-déception. L’ouverture mainstream décrite plus haut se manifeste ici. L’album se veut plus ouvert à la grande consommation. Sans être raté, il faut bien avouer qu’il ne rivalise pas avec ses prédécesseurs. Ce sera aussi le dernier album enregistré avec le bassiste Gerard Smith, celui-ci décédant d’un cancer du poumon le 20 avril 2011, soit neuf jours avant la parution du disque.
Merci à Davcom pour cette magnifique introduction.
Entre chaque album, David Sitek produit et participe aux projets d’autres groupes, comprenant Liars, Foals, Yeah Yeah Yeahs, Scarlett Johansson et dernièrement le superbe Food de Kelis (dont j’espère vous parler prochainement). Par ailleurs, il réalise un album de chansons carrément mainstream et dansantes, avec divers amis, réunis dans le projet Maximum Balloon dans l’album éponyme.
Le fait est que TV On The Radio produit une musique arty qui plait aux critiques mais ne déplace pas les foules. Pop et expérimentale, pas toujours facile d’accès, cette musique est loin de générer un succès massif, alors que les albums que David Sitek produit se vendent parfois dans des quantités non négligeables.
Le disque commence avec une chanson assez typique du style de TV On the Radio : une boucle de voix et de battements de main qui créent des rythmiques tribales. Je pense Afrique ancestrale. La basse arrive en douceur, les voix se déroulent. Elles sont graves, aigües, maîtrisées, elles s’entremêlent et s’enchevêtrent dans d’étranges harmonies. On entre petit à petit dans la modernité, les synthés s’imposant, les chants se développent. La rythmique initiale est là, elle est la base du reste de la chanson. Tout y est, tout est dit. Quartz est un classique TiViOTiRien.
Arrive le titre suivant. De grosses basses synthétiques nous enveloppent. Foin d’harmonies et de sonorités « spéciales », les choeurs presque dissonants si caractéristiques de la formation ont pratiquement disparu, et il en sera de même pour le reste du disque : Tunde Adebimpe dans le chant lead s’impose, Kyp Malone et ses suraigus se font plus discrets. Quelques paroles en français, avec un accent américain de mise. La conclusion de cette chanson rappelle presque l’eurodance des années 90. On est dans la rupture.
Par la suite, les morceaux mélancoliques alternent avec des morceaux plus enlevés. Les cuivres sont toujours là, puissants, mais plus polissés. Certains morceaux sont carrément rock.
Le premier extrait de Seeds a été Happy Idiot. « J’étais sûr qu’ils allaient se Bloc Partyser » entendrai-je dire. Le titre est résolument catchy. Dirigé vers les dance floors, la volonté est claire : « foules (fools ?), Dansez ! ». Les paroles n’ont pourtant rien de joyeux.
« Since you left me, babe,
It’s been a long way down
Yeah, you left me, babe
It’s been a long way down.
What you don’t know won’t hurt you, yeah
Ignorance is bliss
I’m a happy idiot
Waving at cars. »
L’oubli pour ne pas subir. La séparation, la douleur. Des thèmes qui habitent certaines chansons de l’album. Abordant la difficulté d’aimer, la rupture amoureuse ou le deuil ? Pour certains titres, la distinction est délicate.
Ride, une des chansons uptempo de l’album, se veut une de ces typiques chansons incitant à la communion des âmes dans la danse, à l’oubli par le défoulement. « Music makes the people comme together » disait Madonna. Ride se veut tout aussi fédératrice :
« Father, sister, brothers
Others born of mothers
Every friend and lover
Now is the time, get on the ride
Like a resolution
Crying in confusion
There’s one sure solution
Leave it behind, it’s time to ride
Pull into the station
With no hesitation
Well, congratulations
I’m by your side, it’s time to ride »
D’accord, on sent la volonté de plaire au plus grand nombre, de faire danser les gens avec des larmes aux yeux, c’est vieux comme le monde.
Pour les auditeurs historiques, les fans de la première heure, le côté expérimental ayant disparu, le groupe sera sans doute un traître à la cause de la musique indépendante et novatrice.
Pour les autres, il me semble que leur offrir la possibilité de se déhancher sur des chansons bien troussées n’est pas du luxe, au vu des bouses qui se vendent à pelletées. Seeds de TV On The Radio ne révolutionne rien, il ne changera pas la face du monde, il ne posera pas une pierre à l’édifice de la musique contemporaine.
Mais il nous fera sautiller, danser, nous défouler. Et ça, putain… C’est BON !
Sorti chez Harvest Records et chez votre disquaire favori depuis le 18 novembre
Pour ma part, TV On The Radio est TV On The Radio lorsqu’ils s’aventurent sur les sentiers tortueux de l’expérimentation. Desperate Youth, Blood Thirsty Babes est leur chef d’oeuvre. Ce sont des mélodistes affirmés, cela ne fait aucun doute. Lorsqu’ils se laissent aller à une pop, certes énergique, mais traditionnelle, ils m’ennuient. Lorsqu’ils se mettent en danger, sortent de leur zone de confort, ils me plaisent. Ce 5ème album me laisse sur ma faim : Careful You et Happy Idiot sont très bons alors que Could You ressemble à un mauvais Foo Fighters.
Faites-moi plaisir les gars, prenez des risques, et sublimez-vous !
Merci pour ton commentaire, que je comprends parfaitement, : j’aime aussi les aspects plus expérimentaux du groupe, mais ne suis pas gêné par la tournure plus grand public qu’ils ont choisi d’impulser à leurs chansons…
Je suis un peu « le gars qui aime les trucs grand public », dans Addicts, aussi… Ceci explique cela…
Juste pour info, c’est déjà le cinquième album, et non le troisième… À moins qu’il y en ait deux que tu considères comme étant inaudibles et indignes ..? Si ce n’est pas le cas, je t’invite à jeter une oreille sur ceux que tu ne connais pas, tu y trouveras peut-être un peu de réconfort suite à ce Seeds que tu trouves décevant ?
Autant pour moi, faute de frappe. D’autant plus que Return To Cookie Mountain avait trouvé grâce à mes oreilles. Seeds n’est pas spécialement décevant dans la mesure où il confirme le virage, tout à fait respectable, pris par TVOTR. Je suis juste un peu déçu qu’ils n’exploitent pas leur potentiel plus expérimental.