[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]O[/mks_dropcap]ui, je sais : si vous observez bien, en à peine un mois, les seules chroniques écrites par mes soins sont des albums Français. Alors non, n’allez pas croire que, après la trêve des confiseurs et dans un esprit purement altruiste, la cheffe m’a remis au pain sec et à l’eau avec ordre de n’écrire que sur des disques francophones pour avoir du rab de mie.
Parce que ça, c’était avant. Quand il y avait encore du pain.
Non, non, si mes chroniques ne concernent que des albums Français, c’est pour une toute autre raison, bien plus simple : ceux-ci sont tous de qualité et d’un tempérament bien trempé. Bertrand Belin, Yeruselem, Dirge, Bruit Noir. Auxquels viendra s’ajouter Chemin Vert, premier album de Joseph Fisher. Je sais, vous allez me dire que chez Addict, on arrive un peu à la bourre, Chemin Vert étant sorti fin 2018 en numérique, il a été chroniqué chez tous les autres confrères de bon goût en décembre dernier. À cela je rétorquerais : certes. Mais la sortie était numérique. Là, il s’agit enfin d’une sortie physique, en vinyle, sur Bandcamp.
[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]A[/mks_dropcap]près, je ne ferai pas plus original qu’ailleurs, je me contenterai juste d’enfoncer des portes ouvertes en louant l’excellence de Chemin Vert, album ambigu, vachard, tendre et cru.
Pour louer l’excellence de ce disque, je reviendrai furtivement sur le casting de luxe (Alan Holding à la basse, Paul Mabillot aux fûts et Joshua Hudes au mixage) et notamment Kramer, producteur Américain de Galaxie 500 et surtout du I Could Live In Hope de Low, en parfaite adéquation avec le projet et dont on ressent l’influence tout au long de Chemin Vert. Même si, d’après l’intéressé (Antoine Bourguilleau, tête pensante derrière Joseph Fisher), les influences seraient plus à rechercher du côté de la musique Brésilienne (évidente sur Première Prise, EP de 2017, mais qui est suggérée tout au long de la progression harmonique de Chemin Vert) ou de la Northern Soul.
Pour autant, une fois le mix et la production achevés, j’y vois plus un axe Diabologum/Codeine (dont on retrouve la sécheresse caractéristique sur J’aurai Ta Peau), Dominique A ( Même si on y trouve également du Red House Painters, la réinterprétation du superbe La Ville Nouvelle est à lui seul un condensé de Remué), Pastels ou plus proche de nous, Alex Beaupain (Partageur et Partagé aurait pu figurer dans n’importe quel film d’Honoré) qu’un axe Dexy’s Midnight Runner/Joao Gilberto.
Et puis bon, d’un point de vue musical, on peut tout aussi bien s’attarder sur ces petits détails qui parsèment ce chemin, ces motifs guitaristiques faisant que l’auditeur reste toujours surpris par sa richesse, toujours à la découverte d’une note, d’une harmonie inédite, d’un enchaînement surprenant.
Je pourrais également revenir sur les textes, crus et ambigus (Chemin Vert sur son dernier vers, J’aurai Ta Peau) quelque part entre le Miossec de Boire sans le versant atrabilaire et un Pascal Bouaziz primesautier, description des rapports amoureux qu’on devine presque autobiographiques, capable de saillies vachardes redoutables comme d’une étonnante tendresse désabusée.
[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]J[/mks_dropcap]e pourrais, mais comme je le disais plus haut, d’autres l’ont fait avant moi et avec bien plus de talent. Aussi, la seule chose que j’ajouterai et qui se différenciera probablement des autres, c’est que, par son propos, Chemin Vert est le style d’album qu’on évitera d’offrir à la Saint Valentin ou comme cadeau d’anniversaire à sa dulcinée. À moins d’avoir une moitié dotée d’un solide sens de l’humour et hermétique à l’interprétation. Ainsi qu’un goût sûr.
Tout bien réfléchi, offrez-le vous, ce sera plus simple.
Sortie courant mars en vinyle sur Bandcamp