[dropcap]Q[/dropcap]ue connaissons-nous de la scène musicale haïtienne ? Peu de choses à vrai dire. Quelques noms, glanés par ci par là (Wyclef Jean, Régine Chassagne, Michel Pras, certains membres de G-Unit), des figures locales (Gérard Daniel) mais autrement, en schématisant grossièrement, Haïti reste plus connue pour son histoire (Toussaint Louverture), ses catastrophes naturelles, ses régimes politiques véreux, ou encore sa pauvreté extrême. Pour autant, bien que nous ne la connaissions que très peu, cette scène est bien vivante, vibrante. Elle se développe à travers différents courants, styles, les pieds dans la tradition, la tête dans la nouveauté.
L’exacte définition de Chouk Bwa & The Ångströmers en somme. Chouk Bwa, c’est un groupe de six à huit musiciens (chants et percus traditionnelles) ayant pour leader Jean Claude « Sambaton » Dorvil, gardien de la mémoire collective du peuple haïtien et détenteur d’une tradition séculaire empreinte de mysticisme local (le vodou).
Au travers leur musique, tribale, fiévreuse, s’exprime toute l’histoire d’Haïti, celle des espoirs, la fierté, des combats menés au nom de la liberté, la justice. Celle également du vodou et ses rites (pour lesquels sont associés des phrases rythmiques spécifiques appelées les Lwa) qui irrigueront cette première collaboration, lui conférant une tonalité roots, crue, d’une grande authenticité. Authenticité parfaitement épaulée par The Ångströmers (duo français d’électroniciens œuvrant depuis plusieurs années dans l’underground) qui, plutôt que dénaturer l’essence de leur musique, va, au contraire en souligner l’intemporalité.
Pour ce faire, les Français vont retravailler la substance musicale en profondeur, ajouter de façon subtile quelques effets (réverbérations, échos, entre autre) et surtout s’aventurer dans des zones expérimentales où le psychédélisme austère (comme si Plastikman revisitait la discographie des Chemical Brothers) côtoie le dub des voisins jamaïcains (les géniaux Rara et Kay Marasa Dub, dignes d’une session du Yermande de Mark Ernestus), où les field recordings (le superbe Peleren) vont de paire avec des drones (que l’on retrouve un peu partout).
[mks_dropcap style= »letter » size= »75″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#d19636″]L[/mks_dropcap]e résultat de ce melting-pot sera, avouons-le, absolument fascinant. Car outre la richesse polyrythmique de l’ensemble, qui vous secoue le diaphragme, vous file des impatiences dans les jambes et vous amène en très peu de temps dans une transe incontrôlable, outre la richesse mélodique des chants, pas loin de la puissance du Réunionnais Danyel Waro, des compositions, des sonorités antagonistes (la chaleur des percussions s’allie aux sonorités métalliques de The Ångströmers), ce qui fascine chez Chouk Bwa, c’est que la musique trouve ici, en plus d’une musicalité et d’un tribalisme hypnotique, une fonction d’ordre mémorielle.
Musicale tout d’abord, celle de tout un pays qui s’exprime à travers eux, s’étendant jusqu’aux racines africaines (on est proche du nyahbinghi d’un Dadawa ou du sega réunionnais).
Politique ensuite, mais aussi historique, en se présentant comme le porte-voix d’un peuple conscient de son douloureux héritage (Negriye) mais fier, frondeur, affranchi et épris de liberté.
Folklorique enfin, au sens mystique, structurant du terme, à travers le vodou, et un rappel à ce qu’est l’essence même de cette religion, bien loin des clichés négatifs véhiculés en dehors d’Haïti, à savoir la solidarité et l’entraide.
C’est toute cette richesse, toutes ces valeurs véhiculées par Chouk Bwa qui feront de Vodou Ale un grand disque militant, mu par des convictions sincères et authentiques. Mais c’est surtout un sens inné de la mélodie, une évidente maîtrise des rythmes et l’apport pertinent de The Ångströmers qui vous feront adhérer d’emblée à Vodou Ale, excellente surprise de ce premier semestre.
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Vodou Ale de Chouk Bwa & The Ångströmers
Les Disques Bongo Joe – 22 mai 2020
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Photo : Eric Desjeux/2020