[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#4c47ad »]D[/mks_dropcap]eux ans après l’étrange et passionnant In Plain Speech, Circuit Des Yeux nous revient avec Reaching For Indigo, son cinquième album, sûrement son plus personnel.
La force d’Haley Fohr, alias Circuit Des Yeux, c’est en effet cette voix de baryton, puissante, envoûtante qui nous ramène à la magie intimidante d’une Nico, voire même d’une Patty Waters et surtout d’un Scott Walker. Sur cet album, sa voix vous emporte comme un magnifique tsunami.
Qu’ils soient lents et mélancoliques ou violents et sombres, les huit morceaux qui composent cet album sont portés par ses vocalises, émanation physique et organique d’un esprit qui cherche sa place dans l’univers, une confrontation presque animale entre son corps et ses pensées.
Il faut dire, comme elle l’expliquait elle-même, qu’elle a vécu en 2016 une épreuve physique qui l’a presque terrassée. S’en est suivie une longue remise en cause qui se manifesta en premier lieu par la parution d’un album bien plus classique de country music matinée de pop sous le nom de Jacky Lynne parue chez Thrill Jockey, en juin 2016.
Cela se poursuit avec ce beau et dense nouvel album, sur lequel ses précieux collaborateurs, Cooper Crain et Rob Frye (Bitchin Bajas), Whitney Johnson (Verma), Ka Baird entre autres, se mettent au diapason et enserrent Haley Fohr d’une ambiance mystérieuse et fascinante.
Un orgue introduit Brainchild, longue ballade aride et sombre, titre sur lequel Haley Fohr se met en quête de son espace, amenant une atmosphère de recueillement et de passion. Black Fly, le magnifique, poursuit cette aventure porté par quelques notes de guitare légères avant de nous entraîner dans de recoins plus sombres et oppressants.
Philo, long morceau hypnotique entre drone et pop minimaliste, est porté par le piano de Ka Baird, véritable contrepoids aux envolées lyriques de Circuit Des Yeux (plus Scott Walker que jamais), aussi flippantes que majestueuses, avant de basculer sur quelques expérimentations soniques, pour faire place à des oiseaux paradisiaques sous acide tout le long de Paper Bag, sous influence krautrock à la Can.
La tension perdure, les instruments se font rock psychédéliques sur A Story For The World Part II, la folie nous guette, passé l’étrange interlude Call Sign 8, le rythme ralentit, Geyser la remet à nu, fragile et forte à la fois, avant que Falling Blonde, pour clôturer l’album, ne nous ramène à l’inaugural Brainchild, comme si la boucle était bouclée, le voyage intérieur terminé sur une note plus sereine, toujours empreinte de mystère néanmoins, comme si la voix de cette femme avait quelque chose inaccessible.
Circuit Des Yeux réussit avec Reaching For Indigo, son plus bel album, profond, troublant, unique en son genre.