[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]Q[/mks_dropcap]ue cherche-t-on dans la musique ? Dis, toi, peux-tu me le dire ? Avec sagesse et cette belle acuité qui est la tienne, tu me répondras sûrement : « On n’y cherche rien mais par défaut on s’y trouve. » Tu as tellement raison, mon ami de l’ombre. Alors comment expliquer cette alchimie qui prend face à des formules magiques qui pourraient être frelatées ou passées à force d’avoir été autant employées ? À quoi bon chercher à analyser le plaisir ressenti ?
Pourtant, quand on découvre Cosmic Wink, ce troisième disque de Jess Williamson, native d’Austin, on retrouve ce même folk pop avec à peu de choses près les mêmes ingrédients. Mais comme beaucoup, on ne s’est toujours pas remis de la trop grande rareté des Cowboys Junkies et du chant de Margo Timmins. Le folk parfois sombre (pour ne pas dire gothique) de Jess Williamson a suffisamment de reliefs pour nous offrir de belles perspectives.
On n’ira pas chercher ici de singularité ou de grande révolution mais une belle collection de chansons délicates. C’est d’ailleurs Christophe Gatschiné, chroniqueur également chez Addict-Culture qui me faisait remarquer avec pertinence dans une conversation que si l’on cherchait toujours de la singularité dans la musique, autant ne rien écouter car on risquait d’en sortir un peu déçu. Il a bien raison le bougre !
Certains disques comme Cosmic Wink sont des disques confortables, sans surprise sans qu’il n’y ait rien de péjoratif là-dedans. La jeune américaine intègre dans son folk des emprunts à Lou Reed, à Springsteen. Elle s’amuse avec les espaces-temps, piochant dans les seventies ou les eighties. L’ensemble part pas mal du côté d’un son west coast du début des années 60, du côté de Carole King également.
C’est sans doute quand elle baisse un peu le régime qu’elle devient la plus touchante. Wild Rain lui permet de laisser s’exprimer sa voix tour à tour sensuelle ou rentrée. Jess Williamson s’inscrit dans cette tradition de Torch Singers qui se perpétue de Sarah Vaughan à Judy Garland ou Nina Simone. Jess Williamson est une Torch Singer 2.0 à l’image de cette Thunder Song toute en aspérités mexicano-voudou.
À coup sûr, la demoiselle fait partie de cette génération de musiciens qui s’est forgée sa culture musicale avec des recherches sur le net, cette ouverture à tout et ce refus des chapelles. C’est peut-être cela l’identité de cette génération de moins de 30 ans, laisser son spectre musical s’élargir par-delà les contingences de bon goût. A la fois, traduire le folk des Appalaches et l’énergie de Creedence Clearwater Revival.
Mais ce qui emporte notre adhésion, c’est cette voix habitée par un caractère trempé qui peut se jouer des prévisions. Jess Williamson s’amuse de sa voix sombre, la déploie à l’envie, parfois mutine, parfois chuchotée mais toujours claire. Petit bémol toutefois, dans ses moments les plus pop et pas les plus heureux, Cosmic Wink rappelle les navrants Cranberries. C’est quand elle laisse la confusion s’infiltrer dans ses mélodies que Jess Williamson devient une espèce de Gorgone majestueuse et effrayante. Dream State reste un des grands moments d’un disque ombrageux. Autre petit bémol qui en même temps est aussi un atout du disque, c’est son incohérence. On ne saisit pas toujours bien les cassures et les changements de ton entre les chansons. C’est parfois même un peu sec, prenez l’enchainement avec le tout en nuances Forever. Il y a quelque chose de presque maladroit dans la démarche mais qui éloigne l’Américaine d’une posture possible de diva.
Cosmic Wink renvoie finalement à ce vieil adage qui est le fruit du bon sens :
« L’importance est dans les plaisirs simples ».
On ne se refusera donc pas ce plaisir-là, celui d’une belle échappée dans la musique de Jess Williamson et de son Cosmic Wink.
Cosmic Wink de Jess Williamson – Sortie le 11 mai chez Mexican Summer.
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