[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]C[/mks_dropcap]omment décrire l’indescriptible ? Comment retranscrire la peur, l’effroi, la tristesse ? Dakota Suite essaye, en compagnie du groupe japonais Vampillia d’y apporter un début de réponse sur The Sea Is Never Full, leur tout nouvel album, cinq ans après le drame de Fukushima qui les a tant marqués et bouleversés.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]C[/mks_dropcap]et album est né en effet du séisme qui frappa le Japon et de la catastrophe nucléaire de Fukushima en mars 2011. Dakota Suite était en tournée conjointe avec Vampillia quelques temps auparavant. Chris Hooson et David Buxton furent bien sûr profondément terrifiés par ce qu’ils vécurent et virent lors de ce tragique événement.
Ils proposèrent ainsi au groupe expérimental originaire d’Osaka de collaborer afin d’exprimer avec leurs instruments, douleurs et sentiments de perte sur un perturbant et émouvant album de bout en bout. Quelques précisions sur ces 2 groupes sont nécessaires car c’est de leur union et de leur singularité que nait vraiment l’essence de The Sea Is Never Full.
Dakota Suite, c’est d’abord et avant tout Chris Hooson, musicien originaire de Leeds qui créa son groupe il y a maintenant 20 ans. les premiers albums, magnifiques, s’inscrivent dans un style slowcore proche de Red House Painters. le groupe évoluera vers un folk dépouillé et sec, avant une approche classique moderne pour se rapprocher d’un Steve Reich.
Depuis quelques années, Dakota Suite multiplie les rencontres, ici avec Emanuele Errante (The North Green Down), là avec Quentin Sirjacq (le somptueux The Side Of Her Inexhaustible Heart ou There Is Calm To Be Done). Bien trop méconnu à mon goût, Dakota Suite est un groupe majeur depuis Songs For A Barbed Wire Fence sorti en 1998, des disques toujours très beaux et tristes, ayant toute leur place entre les œuvres de Mark Kozelek et de Mark Hollis.
Vampillia est un collectif japonais créé en 2005, on a régulièrement croisé leur drone métal teinté de post-rock sur quelques disques enregistrés avec Nadja, le duo d’Aidan Baker et Leah Buckareff ou bien encore avec Lustmord.
Vous l’aurez compris, de l’origine de ce disque à la nature des 2 groupes, The Sea Is Never Full est une œuvre sombre et exigeante menée par des musiciens sans limites qui n’en ont que peu faire des règles et des conventions.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]D[/mks_dropcap]eux longs morceaux, The Sea Is Never Full (Part 1 et Part 2) constituent le cœur de l’album, la version vinyle d’ailleurs se tient à ces 2 longues pièces (18 et 27 minutes respectivement) qui s’inscrivent avant, pendant et après le drame. La version CD se voit complétée de deux morceaux supplémentaires Nagisa/Isonade et Shōrōbun/Funayūrei et donne une toute autre tournure à l’ensemble, comme si nous avions à faire à 2 œuvres différentes, l’une sous le choc, l’autre partagé entre colère et désespoir, que demain, tout cela recommence.
Quelques notes de pianos, Dakota Suite commence paisiblement cette ballade en bord de mer, une tonalité entre jazz et classique avant l’explosion Post-Rock à mi-chemin, où les guitares se font éclairs et la batterie s’abat comme une vague gigantesque, la vie reprend vite son cours, inconsciente du drame qui s’abat sur le Japon avant que la voix gutturale de Mongoloid, le chanteur de Vampillia n’explose de douleurs et de tristesses infinies.
La deuxième partie n’est qu’effroi et terreur, à la limite de l’expérimental, entre les lamentations d’une voix féminines, les sirènes retentissantes et le grand plongeon final avant la désolation marquée par quelques envolées de cordes puis de nouveau cette voix profonde presque inhumaine. Les deux morceaux présents uniquement sur le CD semblent évoquer les jours d’après, une mer plus calme, presque apaisée, mais la peur est toujours présente, les flots indomptables, une menace sourde pèse sur nos têtes, rien n’a changé, tout peut arriver.
La connexion entre les deux groupes donnent toute sa force à l’album, drone et folk, slowcore et black metal, les esprits s’entrechoquent, les musiciens jouent sur le contraste entre violence et tristesse, illustrant parfaitement l’impuissance de l’homme face à de tels événements. L’album se révèle profond et sombre et confirme que Dakota Suite reste définitivement un groupe à part.
The Sea Is Never Full est disponible chez Karaoke Kalk depuis le 23 septembre
Le Site de Dakota Suite – Le Site de Vampilia – Bandcamp