On m’a vu dans le Vercors
sauter à l’élastique
Alain Bashung
[mks_dropcap style= »letter » size= »52″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]T[/mks_dropcap]’es allée à la FNAC avec Sylvain pour la dédicace d’Arnaud Le Guilcher. Il venait de sortir En moins bien et nous savions, tous les trois, que ce bouquin nous lierait à vie. Par quel miracle cette force de conviction ?
Sylvain, c’est lui, mi-koala mi-punk, le mec qui te rend jaloux par ses t-shirts et ses sourires. Il est tellement mignon et no futur qu’il décrédibilise d’emblée nos allures nonchalantes et désinvoltes.
Pour toi et moi, qui faisions tout contre tout (et inversement), Sylvain était notre totem.
Et il y a eu ce livre. À y repenser, cette histoire de type dont la nénette disparaît la nuit de noces dans un camping pourrave au fond du trou de balle des États-Unis, c’est un peu notre histoire. Il part à sa recherche avec une bande de bras cassés et doit en même temps s’occuper de deux gosses allemands, Requin et Marteaux, qui regardent leur père tourner en rond sur la plage.
Et il y a un pélican.
Comme Manu.
Oui, Manu c’est notre fan hardcore de Pelforth, perdu en Lorraine en train de distiller ses mirabelles, il est plus grand que nous trois mis bout-à-bout, mais pour nous trois mis bout-à-bout, je vais y revenir.
Nous n’avons pas arrêtés de nous chercher toi et moi, et dès que nous nous trouvions, c’était pour se fuir, se perdre, se détester.
Sylvain dort à la maison, sur le petit lit, nous sur le clic-clac.
– Sylvain, tu dors ?
– Non, pourquoi ?
– Parce qu’on a vachement envie de baiser.
– Allez-y vous gênez pas.
– Tu veux venir avec nous ?
– D’accord.
Quand l’amour est aussi simple, pourquoi s’emmerder avec des bouquets de roses et des petits plats dans les grands. Tu nous as fait l’amour à Sylvain et à moi, un peu chacun son tour. Lui c’était son éducation, il était en bonne compagnie. Il y avait un peu de gène mais comme on dit, sans gégène, pas de plaisir.
Notre histoire a toujours fleuré la lose, la mort et le sexe triste, mais putain que nous étions proches de la vie et de nous. Un peu comme dans un livre d’Arnaud le Guilcher.
En moins bien.
Évidemment, je ne peux m’empêcher de te faire réécouter notre hymne que nous chantions à tue-tête chaque nuit, dans la rue, ivres de vie. Toi la dynamiteuse d’aqueducs, et moi le dresseur de loulous. Une chanson qui dit tant de nous, qui avons « fait danser tant de malentendus ».
À demain.
En moins bien de Arnaud Le Guilcher, chez Pocket.