Un sacré beau cadeau pour un anniversaire ou les fêtes de Noël, pour les passionnés de BD et d’art graphique, pour les loosers, les boxeurs et les amateurs de Jab, les vainqueurs à la tête d’ange et tous les autres… « El Boxeador« , aux éditions du Long Bec, est LE titre à retenir pour se faire plaisir ou pour le plaisir d’offrir. Plus de 200 pages de pur bonheur, où se croisent deux destins : celui de Rafa, sorti des bas-fonds. Et celui d’Hector, un grand bourge mal aimé. Entre les deux, ça va saigner.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#F60016″]I[/mks_dropcap]l y a des BD comme ça, qui sortent du lot. Celle-ci affiche une belle sobriété et nous en met aussi plein la gueule. Allez comprendre ! Elle est sobre, claire et limpide, parce que portée par une cohérence d’ensemble, incarnée par l’omniprésence de deux couleurs, le rouge et le noir, qui détonnent dans le décor blanc, permettant de mieux faire ressortir tous les détails. Sobre, et sans chichi aussi, parce qu’allant droit au but, dans la pleine face des boxeurs venant s’entraîner chez Laurent, une ancienne gloire du ring.
Le côté plein la gueule, quant à lui, s’illustre par la force du scénario, l’expression minutieuse et quasi sauvage de certains visages. On s’attarde parfois de longues minutes sur certaines cases, tant elles sont impressionnantes de réalisme et de rage. Tantôt le rouge emplit le cadre ou dégouline d’un œil, telle une larme de sang. Tantôt le noir fixe les regards, profonds, déterminés, revanchards.
La souffrance, elle, est partout, accompagnant le parcours des deux héros, prenant les traits d’une humiliation paternelle, d’un combat de boxe spectaculaire ou d’une nuit de travail passée à gagner sa croûte.
L’histoire se résume en deux temps. Côte pile, Hector le beau gosse est un garçon véloce. Il court à perte de vue, suscitant l’admiration de tous et semant le trouble dans les yeux de la tendre et juvénile Claudia. Mais finalement, c’est vers la boxe qu’il va se tourner, après avoir erré du côté sombre d’un quartier de la ville et rencontré Yassif. À la recherche d’une reconnaissance et d’un peu d’amour de la part d’un père autoritaire et mal-aimant, il va se dépasser jusqu’à devenir le meilleur. Non sans prendre quelques risques, qui se révéleront clairvoyants…
Côte face, Rafa incarne le sale gosse. « Warmachine » est bordeline, ne respecte pas les règles, n’a peur de rien et finit en prison. Mais le boxeur est talentueux et apprend vite. Et son jeu de jambes est extraordinaire. Dans sa mémoire trône en bonne place l’image d’un père torero qui, pendant longtemps, a tenté de l’aider à trouver ses limites. Le combat qu’il va livrer contre Hector pourrait sonner comme une rédemption…
La tranche qui sépare ces deux côtés, on l’a retrouve physiquement au beau milieu de la bande-dessinée. Une double page commune où se rejoignent les deux team et où se cognent les poings d’Hector et de Rafa.
Pour la découverte croisée des deux histoires respectives, il faudra vous saisir de l’ouvrage, en format à l’italienne, et dévorer d’un côté les 203 pages consacrées à Hector, dessinées par Manolo Carot, avant de tourner la BD dans l’autre sens pour avaler les 203 autres pages dédiées à Rafa, travaillées par Rubén Del Rincón. Un concept ludique qui donne également tout son sens au livre.
Objet graphique original autant qu’ambitieux, habillé d’illustrations savamment montées et séquencées, « El Boxeador » réussit le tour de force de nous proposer un récit habité et puissant. Tel un uppercut. Une petite pépite.