[dropcap]J[/dropcap]amais là où on l’attend, toujours surprenant, Emmanuel Carrère. Après l’affaire Jean-Claude Romand, un livre sur le christianisme, un autre sur un auteur russe et quelques uns plus autobiographiques, il propose avec V13 son regard sur le procès des attentats du 13 novembre qu’il a suivi pendant une année entière pour le compte de l’Obs. Ce nouveau livre compile des chroniques hebdomadaires parues dans le journal, chroniques qu’il a revues et augmentées.
On ne se lancera pas dans la lecture de gaieté de cœur et on pleurera pendant, avec Carrère, avec les victimes, autant prévenir tout de suite les futurs lecteurs.
Des policiers, des gendarmes, des médecons sont venus décrire ce qu’ils ont vu. Ces hommes aguérris pleuraient.
Emmanuel Carrère
Car Emmanuel Carrère ne nous cache pas grand chose du sordide du procès, des « coups d’éclats » de certains accusés, de la souffrance des rescapés. C’est extrêmement éprouvant et pourtant on y trouve une certaine humanité, parfois, une petite lueur qui peut laisser passer un espoir, mince mais présent.
Jour après jour, nous allons écouter des expériences extrêmes de mort et de vie, et je pense qu’entre le moment où nous entrerons dans cette salle d’audience et celui où nous en sortirons, quelque chose en nous tous aura bougé. On ne sait pas ce qu’on attend, on ne sait pas ce qui arrivera. On y va.
Carrère nous donne à lire les témoignages de ceux qui ont vécu au plus près ce drame. Il nous donne, dans V13, leurs mots.
Il y a un homme dans mon dos, tout contre moi. J’entends son souffle saccadé, j’entends son râle, je sais que ce sont ses derniers instants. Je sais que je suis en train de vivre à côté de lui les derniers instants de sa vie. C’est quelque chose de très intime, c’est peut-être la chose la plus intime qu’on puisse partager avec quelqu’un. Je ne le vois pas, il est derrière moi, mais je sens son souffle, je l’entends. Je suis le seul témoin de sa mort. Je ne connaîtrai jamais son nom.
L’œuvre est divisée en plusieurs parties : les victimes, les accusés, la cour et suit la chronologie du procès.
Si on avait l’impression de tout savoir de ces attentats, on se rend rapidement compte que non, même si l’on avait suivi beaucoup de reportages, lus des articles. Carrère reste au plus près des victimes et de leurs témoignages auxquels il accorde une très large place. Il donne également la parole aux terroristes. Ceux qui sont encore là, les complices notamment. Ceux qui ont participé, de loin, sans savoir parfois, où en sachant. Pages difficiles.
Je me demandais sans cesse ce que penseraient les proches des victimes et les survivants des mots de Carrère. Et pourtant, même si l’horreur est là, il y a aussi le sentiment que certains accusés ont pêché par naïveté, par ignorance ou par bêtise, par un intellect insuffisant et qui leur coûte cher après coup. La loi du quartier aussi. La solidarité du quartier, ce quartier belge aujourd’hui largement connu. Le gouvernement belge est égratigné, sa police également et certains actes, qui s’ils avaient été effectués, auraient pu éviter beaucoup, nous font nous mordre l’intérieur des joues. L’effarement aussi. L’humanité fait défaut à ce moment-là. Alors, on préfère retenir certains témoignages des victimes qui eux savent rester dignes et humains, jusque dans la pire des souffrances.
Avec V13, Emmanuel Carrère signe un livre juste et nécessaire. Une part d’Histoire, un témoignage de l’horreur et de l’humain en même temps. Une œuvre dans laquelle il se donne, juge, hésite, s’interroge. Un livre qui lui ressemble et qu’on a envie de placer, dans sa bibliothèque, à côté de La mort est mon métier du grand Robert Merle.
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V13 d‘Emmanuel Carrère
POL, septembre 2022
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Image bandeau : Bandeau presse emprunté à un article de la radio Europe 1