« J’espère que le Journal d’Anne continuera à t’influencer, de façon à ce que, dans la mesure de tes possibilités, tu luttes pour le rapprochement des peuples et pour la paix. »
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#dd9933″]V[/mks_dropcap]oici le voeu pieu que formulait Otto Frank, le père d’Anne Frank, aux adolescents qui lui écrivaient après avoir lu le journal de sa fille qu’il fit publier pour la première fois en ce 25 juin 1947. Cette publication répondait au souhait de la jeune fille, décédée à la fin de l’hiver 1945 au camp de concentration de Bergen-Balsen. Elle avait été arrêtée par la police allemande et envoyée en déportation le 4 août 1944 avec d’autres membres de son entourage. Ils vivaient alors cachés, à huit, dans « l’Annexe », local dissimulé par une bibliothèque pivotante dans l’entreprise que dirigeait Otto Frank à Amsterdam.
Anne a tenu son journal de juin 1942 à août 1944. Il accueillait ses confidences d’adolescente et lui servait aussi d’exutoire pour échapper à la promiscuité de cet espace dont seul son esprit pouvait s’échapper. Anne Frank a ensuite envisagé la possibilité de le verser au fonds de témoignages sur la guerre que voulait constituer le ministre de l’éducation néerlandais et dont elle avait entendu l’appel radio lancé depuis Londres. Elle n’aura jamais la possibilité de le faire elle-même ; son père s’assurera que sa volonté soit respectée.
L’histoire du journal d’Anne Frank touche à la question des fonctions de l’écriture et de la littérature, ce double mouvement qu’interroge Valentine Goby dans Je me promets d’éclatantes revanches. Contrairement à Charlotte Delbo, Anne Frank ne connaîtra pas cette revanche de son vivant mais le geste de Miep Gies qui a soustrait le journal aux nazis, celui de son père qui l’a fait publier et la postérité de son texte la lui offrent à titre posthume.