1965 est une année charnière pour les Beatles. Un groupe peu à peu lassé des tournées où ils ne s’entendaient plus jouer, noyés sous les hurlement des groupies, dépassés par leur statut d’idoles absolues, la bande de Liverpool grandit. Et le duo de génies à la composition également (John Lennon et Paul McCartney, précision pour nos lecteurs martiens). Si les premières chansons étaient souvent naïves et clairement adolescentes, dans l’innocence des premiers temps du rock n’roll, les quatre garçons dans le vent font ici preuve d’une maturité absolue.
Si « Drive my Car » est dans la continuité de leurs premiers classiques, « Norvegian Wood » présente une structure qui explose les carcans, ses expérimentations et ce cithare si cher à George Harrison, le texte d’une rencontre amoureuse un peu désenchantée qui va si bien à Lennon. Survient la belle voix de McCartney et ses changements de rythmes caractéristiques, ses ambitions harmoniques, le musiciens parfait qu’il est avec « you won’t see me ». Les choeurs planants de « nowhere man » s’élèvent avec une mélodie spectaculaire et cette mélancolie tranquille et tendre dans la voix de Lennon (que l’on retrouve également dans le sublime et sensuel « Girl« ). A la énième écoute, on se dit qu’on est devant la perfection.
« Think for yourself » confirme cette maturité, dans la musique et dans le texte, plus personnel, plus engagé qu’auparavant, plus sérieux également. Toujours un appel à la liberté, à l’harmonie et à l’amour, presque comme une bataille, ce qui fait la force du groupe c’est la cohérence et leur cohésion autour de ce discours (« say the word« , la tendresse bucolique de « Michelle« ). Et leurs 4 voix qui se fondent incroyablement ensemble comme une entité, comme s’ils étaient un seul. Une fusion absolue.
Cet album est également un premier accent nostalgique, plus grave, l’amour plus incertain, menaçant même parfois (« run for your life« ) et les aléas du destin (« If I needed someone« ), les mensonges et les premières déceptions qui se font jour (« I’m looking through you« ), un retour bouleversant sur le passé, la voix d’un jeune adulte qui mesure le temps qui passe dans « In my life« . Tout est là. Tout ce qui les rend insurpassables.
On raconte qu’à l’écoute de ce disque, Brian Wilson fut si émerveillé par leur sens musical, si frappé dans son orgueil également qu’il leur répondit par le sublime Pet Sounds des Beach Boys. C’est en tous cas avec ce disque que les Beatles prennent une envergure immense, leur plein potentiel qui annonçait les chef-d’oeuvres de leur dernière partie de carrière. Et les imposait comme une référence absolue.
Un album absolument fondamental.