[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#771374″]A[/mks_dropcap]ttention, coup de foudre pour cette BD !! BAM ! BD Addictive et Mirifique ! De quoi s’agit-il ? De tsunami, d’espèce mutante, de guerre civile et d’amour : « La Terre, menacée par l’espèce humaine, a créé son armée : les Epiphanians ».
Vous voici peut-être déjà intrigué.e.s par cette quatrième de couverture, sobre et efficace. Vous n’êtes pas trop du genre attiré.e.s par les créatures et le post-apocalyptique ? Je vous invite quand même à pousser les portes de cet univers étrange qui, loin de se refermer sur lui-même, entre en résonance avec notre monde d’aujourd’hui, bringuebalé entre la peur de l’autre, les violences que subissent la Terre et les individus, et les quêtes identitaires.
Ludovic Debeurme nous offre un récit troublant, beau et magnétique. Plongez-y ! Nul doute que vous serez envoûté.e.s. Et la bonne nouvelle, c’est que deux autres tomes devraient suivre…
Jeanne et David forment un couple qui ne va pas très bien. Au cœur de leur histoire qui s’essouffle, il y a le désir de Jeanne d’avoir un enfant, et la peur de David de devenir père. Alors qu’ils tentent de s’accorder « une dernière chance » en participant à un improbable « Love training camp » organisé par le docteur Krüpa sur une île paradisiaque, un raz-de-marée et une chute de météorites balaient le monde. David se retrouve seul et de retour sur le continent, il est confronté à l’irruption d’une bien curieuse population, une espèce mi-humaine, mi-animale : les « mix-bodies » ou « epiphanians ».
D’où viennent-ils ? Que veulent-ils ? Leur arrivée plonge la société dans la méfiance et l’inquiétude. David, contre toute attente, découvrira grâce à eux la joie d’être père puisque, bouleversé par sa vulnérabilité, il recueillera un bébé epiphanian qui deviendra son fils, Koji. Au fur et à mesure que celui-ci grandira, l’hostilité et la peur des hommes ira crescendo et père et fils devront fuir la ville pour échapper à une guerre civile divisant humains et mutants.
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On suit fébrilement les aventures de David et Koji. Cet album est un véritable page-turner ! Suspense, effroi, émotion ; récit d’amour, d’initiation, d’horreur ; récit sociétal… Tout y est orchestré habilement pour qu’on devienne complètement accro. Le personnage de Koji est très poignant. Avec délicatesse, Ludovic Debeurme illustre son sentiment de solitude, ses questionnements et tourments, perdu dans un monde qui ne veut pas de lui et le « monstrualise ». Les transformations de son corps à l’adolescence, le rendant de plus en plus animal, l’effraient et l’éloignent peu à peu de son père ; on songe ici avec jubilation à la fabuleuse et très belle BD de Charles Burns, Black Hole (chez Delcourt).
Quant aux couleurs, elles sont si étranges… Moi qui avais connu Ludovic Debeurme avec la puissante BD Lucille toute en noir et blanc, je ressens presque un choc visuel. J’ai vu pourtant le basculement dans la couleur dans ses deux albums précédents aux éditions Cornélius, Trois Fils et Un Père Vertueux, mais Epiphania bénéficie d’un traitement particulier. Ses couleurs sont presque surnaturelles, appartenant au rêve, ou au cauchemar. Et je salue avec grand plaisir, pour cette mise en couleur, la belle collaboration avec Fanny Michaëlis, autrice de BD et d’albums jeunesse envoûtants.
Si vous ne connaissez pas encore Ludovic Debeurme, il faut vraiment le découvrir. Ses BD sont impressionnantes, percutantes. Elles peuvent déranger car de son dessin sort, ou plutôt s’extirpe, quelque chose de douloureux, de malade, de monstrueux parfois mais qui revêt, avec je ne sais quelle magie, une grâce et une humanité lumineuses. Son univers, malgré la noirceur, nous tend toujours la main. Et c’est particulièrement vrai pour Epiphania.
Pour feuilleter quelques planches :