Pas facile de de chroniquer le disque d’un ami sans risquer d’être soupçonnée au mieux de fayotage, au pire de flagornerie. Mais vu la qualité de Momentum, le 3° album de My Raining Stars, je promets que l’objectivité sera de mise. Si je peux écrire sans trembler que l’album de The Gentle Spring sorti en ce début d’année est un grand disque, je peux annoncer sans crainte de représailles que celui de My Raining Stars, publié lui aussi par le très actif label Too Good To Be True, sera un des meilleurs albums indie pop de l’année.
S’il s’est écoulé presque trois années depuis la sortie de 89 Memories, l’ auxerrois n’a pas chômé. Il y a eu le EP The Life We Planned puis le 2° album de Meyverlin (trio formé avec Philippe Lavergne et Gilles Ramey). Thierry Haliniak se contente rarement de poursuivre un seul objectif à la fois. Insatiable, persévérant, infatigable comme un coureur de fond, il n’attend pas la fin d’un projet pour en entamer un autre. Ainsi, Momentum est l’aboutissement de sessions d’enregistrement qui se sont déroulées entre octobre 2023 et avril 2024. L’album a été enregistré, mixé et produit par le danois Casper Iskov au service duquel Thierry avait déjà fait appel sur ses dernières productions. Le résultat est une compilation de nouveaux morceaux et de titres anciens à parts à peu près égales. Parmi les anciens morceaux, le superbe Manhattan qui clôt l’album dans une version « Caspérisée », donc plus nerveuse, moins shoegaze que l’originale.
Ce qui m’a frappée aux premières écoutes, c’est un mélange de force et de clarté. Le son est plus vif, plus dense, plus « rock ». Dès le titre qui ouvre l’album, le puissant For Good dont l’intro rappelle Morning Glory d’Oasis, les guitares claquent et virevoltent. Loin d’être délaissées, les premières amours de My Raining Stars – pour faire simple, britpop et shoegaze – sont même encore plus affirmées. On entend Ride sur le remarquable Lovers (destinée au départ à une face B), une chanson pop de facture plutôt classique avec de jolis claviers. Slowdive s’invite dans les guitares saturées et vaporeuses du poignant Stop the time. L’intro de Special Place est un hommage à Daddy’s gone de Glasvegas, une chanson très haut placée dans le panthéon musical de Thierry. Oasis plane encore dans la mélodie de chant de la baggy Better Life avec ses « yeah yeah yeah ».
Une des qualités remarquables de Momentum réside dans la puissance des mélodies, à la fois fortes et entêtantes. Special Place par exemple, reste en tête durablement et peut être fredonnée facilement, deux signes selon moi d’une grande chanson.
La voix qui avait tendance à s’effacer derrière des effets de reverb est plus franche, plus claire. C’est Casper Iskov qui a encouragé Thierry Haliniak dans cette voie/voix. Certains morceaux comme Special Place relèvent d’un véritable acte de bravoure tant le chant aura été un tour de force, un exercice périlleux pour celui qui confie ne pas être un chanteur naturel (« Je ne suis ni Brett Anderson ni Morrissey »). De ce fait, les paroles sont rendues plus audibles. Les textes dévoilent de manière assez directe des facettes personnelles de son auteur. Les longues balades en forêt avec sa chienne Raban sont évoquées dans Special Place, une chanson ancienne qui célèbre aussi la nature dans laquelle il aime tant se réfugier (« I love walking with her Into my wilderness, These are the happiest moments of my life I must confess »). Le temps qui passe et qu’on voudrait arrêter pour rendre éternels les moments partagés avec les personnes aimées (« But I know that I can’t stop the time and change the course of nature’s law, I won’t let you go » dans Stop the time). Le vide et la douleur inconsolables laissés par la disparition d’un proche (« I don’t know how to live without you, You still haunt my dreams, Those pics remind me of what I’ve lost, I feel a void inside my heart » dans Void).
Dominante dans le répertoire de My Raining Stars, la mélancolie a largement sa place ici. On la retrouve dans la sombre ballade Stop the time, puis sur la bouleversante Void écrite à la mémoire de sa petite sœur disparue, sans doute ma préférée : une mélodie renversante sublimée par la guitare acoustique, rehaussée et adoucie par les chœurs de la musicienne Rosanna Pang, le tout sur des mots hyper touchants de sincérité – sans filtre – portés par une voix claire. Mais la pop lumineuse est bien représentée également par la sémillante Disappeared dans laquelle se mêlent les chœurs aériens et apaisants de Thierry, Casper Iskov et Rosanna Pang. Le versant pop pure de Thierry Haliniak s’illustre sur The Cost Within, une chanson dédiée à son père.
La voix qui avait tendance
à s’effacer derrière
des effets de reverb
est plus franche, plus claire.
La photo qui orne la pochette montre le chanteur posé au milieu de son « wild » avec sa guitare, dans un décor naturel qu’on imagine aisément être son préféré.
Momentum est peut-être l’album de la maturité, cette période de la vie où l’on s’autorise à repousser ses limites, voire à les ignorer, car on n’a rien à perdre. On peut se recentrer dans l’univers artistique que l’on s’est fabriqué patiemment au fil des ans et apprécier le moment présent. Sans signer une rupture, la palette musicale de Momentum est plus variée que celle des disques précédents. On y entend un son plus dense, plus abouti, un chant plus assuré, une voix davantage mise en avant au service de textes francs sur des sujets profonds… autant de clés qui pourraient ouvrir à My Raining Stars de nouvelles perspectives, de nouveaux registres de chansons, qui sait, un nouvel élan.

My Raining Stars · Momentum
Shelflife (USA) / Too Good To Be True (FR) – 21 mars 2025