[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L[/mks_dropcap]es couleurs changeantes comme autant de tableaux d’une époque à venir ou révolue, la qualité du graphisme, le scénario original et touchant… Benjamin Flao au dessin et Fred Bernard à la narration ont réuni leur talent pour une œuvre labyrinthesque où l’on est projeté, avec délice toujours, effroi parfois, au paradis des pilotes automobiles… Bienvenue dans Essence, édité chez Futuropolis.
Achille sort de nulle part. Un bidon d’essence à la main, il se trouve dans une gigantesque mine dont il arpente nerveusement les allées. En fait non, ça ressemble plutôt un sous-sol très encombré, jonché de masses informes. Au plafond : des ronds colorés. Un univers qui ne ressemble à aucun autre mais dont le réalisme reste malgré tout saisissant.
Un halo de lumière et l’on devine que la sortie est proche. Dans le paysage blanc immaculé qui s’ouvre à lui, apparait une mystérieuse femme. Page suivante, on prend de la hauteur en découvrant un paysage à la Mad Max. Ce n’est pas le big bang mais ça y ressemble. Au volant d’une Ford Mustang ! Et c’est parti pour une folle équipée.
Pour comprendre la situation, prenons le temps d’un bref arrêt sur image : Achille n’est plus que l’ombre de lui-même parce qu’il est mort. Il a été assassiné. Avec son pote Nono, c’était un génie de la mécanique. Les circuits, les bagnoles, c’était son truc. Et tant pis si ça lui prenait tout son temps. Tant pis pour Aurore et les enfants. Sauf que la passion peut être aveuglante. Surtout quand, un jour, Tatiana a débarqué sans sa vie…
Quant à la jeune femme qui a pris place aux côtés d’Achille, dans la voiture mythique, elle refuse de donner son nom et de répondre aux questions. En revanche, des questions, elle lui en posera plein à Achille. Pour l’amener sur la pente douce de la vérité, pour l’inviter à remonter le fil de sa vie d’avant, à trouver des explications à son destin tragique. Charmeuse et intrigante, elle se présente comme son ange-gardien.
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Avec ces deux fantastiques personnages – et d’autres qui apparaîtront au fil de l’histoire, du père d’Achille en passant par… James Dean ou… le pilote canadien Gilles Villeneuve – nous voici donc plongés dans un espace temps oscillant entre paysage fantasmagorique et balade onirique, entre désir d’en savoir plus et peur de découvrir la vérité.
Une sorte de purgatoire où Benjamin Flao multiplie les scènes hallucinatoires, avec force détails graphiques. Ainsi, on ne boude pas notre plaisir à s’attarder sur des pages soigneusement travaillées. Et même quand ça peut paraître simple, comme le fait de dessiner une course poursuite automobile, on sait bien que ça ne l’est pas : la scène, du reste, est virtuose. On se croirait presque alors dans un autre véhicule avec caméra embarquée pour suivre la folle embardée.
Ce « pilote paradise » est un album à l’écriture vive et précise. Une fable de 186 pages au format original et carré, qui renvoie parfois à l’univers de Moebius et nous entraîne dans une agréable et surprenante fiction. Essence : à consommer sans modération.