[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]L[/mks_dropcap]’histoire est à fois simple et sidérante. La première scène se passe à Palavas-les-Flots, station balnéaire où Fabienne et Roland ont choisi de passer leurs vacances. Mais ces deux-là sont à peine arrivés qu’un drame survient. Monsieur est tué sur le coup, tandis que Madame, vivant sa solitude avec une pointe de crainte et d’étonnement, va choisir de rester sur place et de faire (presque) comme si rien n’avait changé. Étrange autant qu’originale, Je vais rester (Rue de Sèvres) est signée du prolifique Trondheim et du non moins talentueux Chevillard.
[mks_dropcap style= »letter » size= »85″ bg_color= »#ffffff » txt_color= »#000000″]C[/mks_dropcap]’est une BD qui pourrait nous laisser pantois. Elle se résumerait alors à une simple tragédie, dont Madame Maturet aurait à subir les conséquences, accusant la perte aussi tranchante que subite de son mari (décapité par une partie d’auvent qu’un coup de vent a rendu incontrôlable) : pleurs, colère, tristesse puis détresse absolue, résignation, rapatriement du corps, deuil familial et adieu les vacances au soleil… Nous aurions alors été les tristes spectateurs d’un horrible fait-divers. Fin de l’histoire. Mais en fait, rien ne se passe comme cela devrait pourtant se passer !
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En effet, Madame Maturet, Fabienne de son prénom, ne semble pas prendre la mesure exacte de ce qui vient de se produire sous ses yeux. Elle n’a pas l’air plus affectée que cela et décide, contre toute attente, de s’installer dans la location payée à l’avance et de suivre en tout point le programme estival préalablement et savamment orchestré par feu son mari Roland. C’est que celui-ci avait tout consigné dans un petit carnet car oui, cet homme-là notait tout et détestait les surprises, sauf celles qu’il organisait lui-même (n’ayant pas anticipé le coup du sort lui ayant coûté la vie, voilà d’ailleurs qui ne manque pas de sel !).[mks_col]
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C’est là tout l’intérêt de la bande dessinée, qui nous propose de suivre Fabienne dans ce déni de réalité. Rien de tel pour nous intriguer et nous embarquer. Car tout de même, à un moment donné, cette femme, choquée, abandonnée, va bien réagir, non ? Impossible tout de même de rester à ce point impassible, de faire comme si de rien n’était et, par exemple, de suivre au hasard d’une rencontre, ce compagnon d’infortune qu’est le bienveillant Paco. Alors on se prend à espérer, on suit la dame dans ses déambulations, qui assiste à quelques animations, prend le temps de piquer une tête ou de regarder les autres déguster une glace avant de se laisser tenter à son tour… Bref, on attend le déclic. Viendra, viendra pas ?
La réponse est à découvrir au fil des 125 pages de Je vais rester mais, au final, on se dit que peu importe la réponse… Car les pensées à contre-courant de Fabienne se suffisent à elles-mêmes. Ainsi va la vie. Ou ainsi va la mort. Qu’elle soit bête et subite. Ou bien au contraire lancinante et attendue.
La BD incarne bien ce vent mauvais, qui alterne avec les petits plaisirs de la vie quotidienne. Travaillées selon un découpage classique, les cases se forment telle une grille et se succèdent souvent sans parole, se nourrissant de petits riens et de gestes simples, se parant de coups de crayons colorés et semi-réalistes. Un tableau surprenant, hors des chemins tous tracés et possiblement source de rédemption…
J’ai très envie de la lire !