U2. Souviens-toi, ce groupe générateur d’hymnes générationnels dans les années 80, devenu au fil des années un monstre remplissant les stades dans des tournées pharaoniques aussi longues que leurs albums étaient inintéressants. Si les années 90 leur ont été fastes, on peut sans mal dire que les années 2000 ne leur ont pas trop réussi, à quelques fulgurances près (et encore).
Voilà un groupe qui pose la question à 1000 euros : la créativité est-elle soluble dans les concerts monumentaux ? Si certains groupes répondent à cette interrogation par un non clair et franc (Depeche Mode, par exemple, n’en déplaise aux grincheux), d’autres se sont engouffrés dans la faille et s’y sont perdus. Ainsi les Muse, Coldplay et autre Placebo ont-ils à leur début généré des albums plutôt bien accueillis pour ensuite sombrer dans l’hyperglycémie ou l’inaspérité créatrice (oui, j’invente des mots, c’est mon nouveau hobby).
Et comme il fallait bien nommer ce phénomène, pourquoi ne pas le baptiser suivant le premier groupe ayant ouvert la voie de la pauvreté créative dissoute dans la popularité ? C’est ainsi que l’on parla de la U2isation des groupes.
Autant vous dire que pour tout fan d’un groupe de rock indé qui se respecte, c’est ce qui pourrait arriver de pire à ses idoles.
Ainsi, à chaque nouvelle livraison d’album d’un groupe indépendant qui grimpe, la question se pose : Sera-ce l’album de la consécration ? Celui de la fortune (pécunière) et du gadin (créatif) ?
Sera-ce l’album de la U2isation du groupe ????!!!!!
Eh bien aujourd’hui, nous en sommes là pour Foals.
Les vrombissements sont lâchés, les moteurs ont assez chauffé, on lâche les fauves
Vous ne vous en souvenez pas, et moi non plus, mais le premier album de Foals était un album sautillant aux petites guitares donnant envie de se bouger. On les avait classés dans le math-rock. Je ne sais pas ce que c’est, mais bon, pourquoi pas.
Je les découvrirais plus tard avec Total Life Forever et le sublime Spanish Sahara à l’envolée invitant au voyage. Et c’est tant mieux, parce qu’avec un titre pareil, si on se retrouve les pieds sur le goudron et la tête dans le métro, c’est qu’il y a un problème.
Avec Holy Fire, on a senti la popularité grimper, quelques titres passant à la radio, et on avait envie de se dandiner sur ces guitares aux sonorités africaines… et en même temps, on sentait comme des vrombissements, comme des moteurs en chauffe en arrière plan, qui ne demandaient qu’à partir.
Et avec What Went Down, dès les première notes du premier titre, éponyme, le ton est donné : les vrombissements sont lâchés, les moteurs ont assez chauffé, on lâche les fauves et on fait rugir les instruments. On s’est retenu, on a tout fait pour tenir jusqu’au dernier moment, mais ça ne tient plus, il faut lâcher les brides et se lancer. Le chant est au diapason du reste. Plus question d’être dans la retenue, le chanteur se lance et exulte. Et quand on pense que c’est fini, il y en a encore. Et ce sera comme ça sur tout l’album. Morceau après morceau, les moments de bravoure s’enchainent, défilent et on finit en transe et exalté.
C’est le quatrième album. Après l’ouverture au grand public qu’a supposé l’album précédent, on peut donc légitimement se poser la question qui nous hante depuis le début de cette chronique : est-ce l’album de la déchéance ? Foals se sont-ils U2isés ?! On sent l’horreur poindre, les nuques transpirent. On retient son souffle. Jusqu’à l’obtention de la réponse… Qui viendra plus tard.
A l’écoute de ce disque, on note évidemment l’évolution dans le son et dans l’intention du groupe. Les côtés contemplatifs qu’on retrouvait souvent dans les albums précédents sont présents, mais moins. Ils ont laissé leur place à la puissance. Et c’est plaisant. Néanmoins, les petites guitares sautillantes sont toujours là. Les synthés nuancent le propos. Et si le chant se lâche beaucoup plus qu’auparavant (et même qu’il hurle parfois carrément), il sait encore se tenir dans la joliesse. Mais alors, alors… On y est ou on n’y est pas ? Bono aussi, il fait des vocalises en voix de fausset, et alors, ça n’empêche, c’est lui qui l’a inventé, le U2 Syndrome !
Eh bien, la réponse ne viendra pas encore ici.
Cette masse vivante et pulsante comme un seul homme
La réponse, on l’obtiendra lors du concert du groupe, au Cabaret Sauvage, lorsqu’on observera ce groupe haranguant une foule dévouée à ces rythmes sauvages. Tabassée, lessivée, dévastée de bonheur par un set d’une puissance (d’une violence ?) inouïe, cette masse vivante et pulsante comme un seul homme, a été menée par un chanteur en transe qui s’est excusé pour ses problèmes de gorge, mais qui s’est donné à en perdre la voix, et par tous les autres membres du groupe qui n’ont pas lésiné non plus. Le sourire ne quittera le visage de personne ce soir-là, malgré l’épuisement.
Et c’est donc au sortir de ce concert qu’on s’entendra dire « ça a toujours été comme ça : Tous les concerts de Foals sont comme ça ». Et c’est là qu’on comprendra. What went down n’est pas l’album de la U2isation de Foals. C’est l’album qui retranscrit le mieux la puissance, l’énergie et la magie de leur musique lorsqu’elle est jouée en live. Le tout dans des nuances qui accrochent les oreilles et font la richesse de ce disque qui sait nous faire danser.
Et si tu te poses la question, avec horreur, de la déchéance de ce groupe, de sa transformation en rejeton de U2, eh bien sois rassuré, ce n’est pas pour tout de suite !
Mets-toi What went down dans les oreilles et dans le cerveau, et laisse-toi aller, toi aussi !
En concert à Paris les 2 (complet) et 3 Février 2016 à L’Olympia
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